jeudi 4 novembre 2010

Premier sinistre



Alors, vous êtes plutôt Borloo, ou Fillon ? Qu'est ce que vous en pensez, hein, plutôt Fillon ou plutôt Borloo ? Y en a qui disent que ce serait plutôt Borloo, mais d'autres penchent plutôt pour Fillon, vous savez.

Après nous avoir (à raison) répété sur tous les tons combien le premier ministre était ectoplasmique sous Sarkozy, combien les pouvoirs étaient concentrés dans les mains du seul président de la République, de Claude Guéant, ou d'une masse de conseillers plus ou moins occultes, court-circuitant complètement un Matignon fantôche, dépouillé de tout pouvoir décisionnel, tout juste bon à chatouiller la glotte des députés UMP pour les amadouer, bref, après nous avoir convaincu que le rôle de chef du gouvernement avait à peu près autant de substance et d'autonomie que la présidence de la Halde ou de France Télévisions, voilà que nos amis démédias font mine de se passionner pour LA question cruciale de cette fin de quinquennat : qui qui sera premier ministre après le remaniement ?

L'Express, Libé, France Info, , impossible d'échapper à ce questionnement métaphysique : Fillon va-t-il rester ? Borloo va-t-il le remplacer ? Quelle couleur de pull va le mieux avec ma cravate de Président de la République ?

Non content d'envahir progressivement la presse, cette interrogation vampirise progressivement tout l'espace public. Jean-Michel Apathie sur RTL, mais probablement beaucoup d'autres, ne peuvent inviter qui que ce soit sans lui demander qui son avis, qui son pronostic sur le choix de Nicolas Sarkozy. Tu veux parler des retraites ? De la réforme à venir de la sécurité sociale ? Des barbouzeries qui visent les journalistes qui se penchent sur l'affaire Woerth/Bettencourt ? Ben t'attendras, il y a des choses plus urgentes.

Rien ne m'agace plus (à part les relances de Sylvain Armand) que cette focalisation des médias, et en particulier des "intervieweurs stars" plus ou moins autoproclamés, sur la tambouille politicienne aux dépends des vrais sujets politiques. Parce que, écrivons le en gros pour ne laisser personne passer à côté :

FILLON OU BORLOO, ON S'EN FOUT !

La politique gouvernementale s'impulse et se dirige à l'Elysée, le premier ministre est au mieux un hochet politique, au pire une serpillère, mais il ne dispose d'aucun pouvoir politique dans l'état actuel des choses. Maintenir l'un ou nommer l'autre est un choix cosmétique, peut-être tactique pour passer un message à tout ou partie de son électorat, mais il ne s'agit en aucun cas d'un sujet d'importance.

Si nous le savons, comment les gens dont l'analyse politique est le métier pourraient en être dupes ? Sont-ils de bonne foi, intimement persuadés que ce qui agite leur microcosme est d'une importance nationale ? Ou sont-ils sciemment complices de ce nouvel écran de fumée devant les choses qui fâchent ?

Soyons sympathiques avec les laquais, et accordons leur le bénéfice du doute.

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