jeudi 18 novembre 2010

Du pipeau présidentiel

Le drame de faire des brouillons sur l'actualité, c'est que quand on les oublie, et qu'on les publie dix jours plus tard, on a l'air d'un con. Voilà, vous êtes prévenus.

Je ne suis pas plein d'abnégation. C'est un aveu terrible, douloureux, et d'autant plus cuisant que je le fais sans ironie aucune : je n'ai pas cette volonté et cet orgueil qui pousse à se faire violence, à se dépasser pour un objectif, le pouvoir, le bonheur, le bon, que sais-je. Je laisse couler, je suis passif, je m'en fous, je subis.

Ainsi, mardi soir, j'aurais voulu regarder Nicolas Sarkozy partager avec nous son bilan et sa vision, mais j'ai tenu dix minutes avant de zapper sur France-Russie Espoirs. J'ai beau jeu ensuite de moquer l'absence de conscience politique des légumes qui me tiennent lieu de collègues, et en plus c'était même pas un bon match. Mais les dix minutes m'ont quand même permis un constat : ce mec est d'un culot qui confine au prodige. Relancé un peu teigneusement par David Pujadas sur le discours de Grenoble et plus spécifiquement la chasse aux Roms qu'il a déclenché, Nicolas Sarkozy
(je m'autorise un petit aparté : sache, lecteur, que je ne sais jamais comment désigner le président de la République.
"Président de la République", je n'y arrive pas, une sorte de déni de la réalité et d'espoir fou que ce soit une erreur et qu'en réalité il soit préposé aux à l'entretien sanitaire dans une mine de potasse en Géorgie.
"Le chef de l'État" ça me fait déjà moins mal, mais tu sais que dans mon bolchévisme effréné j'ai quelque sympathie pour ce pauvre État et j'ai pas envie de remuer le couteau dans la plaie.
"Sarko", ça sonne trop familier, presque "copain", et bon, enfin t'as compris.
"Nicolas", j'en parle même pas.
J'opte donc en général pour le lourd mais neutre "Nicolas Sarkozy". Voilà, tu sais tout).
Nicolas Sarkozy, disais-je, répond à D.Pujadas que "miroir magique, ça revient sur toi". Plus précisément, le voilà qui explique à la France (via la télé) que s'il est venu à Grenoble, et s'il a discouru de choses que même les plus aimables d'entre nous qualifieront "d'amalgames puants", c'est parce que les journaux ouvraient leur 20H dessus et que, bon, il était obligé, et que s'ils voulaient pas qu'il en parle, ils avaient qu'à pas en parler eux-mêmes.
(vous avez remarqué comme Nicolas Sarkozy n'aime pas les ne et les n' dans ces discours ? Il les mange systématiquement, ce qui donne en général l'impression d'un niveau de syntaxe proche de celui d'un joueur de foot)

Outre que le mensonge est consternant d'évidence (Hortefeux n'a évidemment pas attendu les journaux de 20h pour aller montrer les muscles gouvernementaux à Grenoble), ce pitoyable alibi m'apparait comme plus criminel encore que le crime originel. Car que comprendre sinon qu'il serait parfaitement normal que le Président de la République (cette fois je l'écris, mais c'est pour être solennel) gouverne au gré des reportages du 20h. On savait déjà son goût pour les sondages, on est désormais prier de croire que sa seconde boussole, c'est ce que raconte TF1 entre la Roue la Fortune et la météo.

Plus sérieusement, il est désormais évident que Nicolas Sarkozy nous prend, nous, ses "chers" compatriotes", pour des imbéciles finis, et à ce degré de mépris pour nos intelligences, on se demande bien sous quelles couches d'arrogance et de préoccupations nombrilesques est enfoui la conscience de l'intérêt général qu'il est censé représenter. Sûrement coincée entre ses souvenirs du stade anal et le désir instinctif d'épouse sa mère, je ne sais pas si les facs de psycho sont dotées de sections "archéologie" pour nous renseigner.

Pour le reste de l'allocution (j'avais écrit "élocution", mais c'est pas joli de se moquer des handicapés, et puis essayez de bien prononcer les mots en ayant à la fois un sourire crispé pour avoir l'air sympa et les machoires serrées pour avoir l'air déterminé), j'ai du m'en remettre à internet, et je dois avouer que je ne suis pas dessus.

En m'appuyant sur ça, ça, ou ça, j'en déduis que j'ai raté un joli résumé de ce que la politique actuelle fait de plus méprisable, à savoir :
- s'appuyer sur l'exemple étranger pour justifier n'importe quelle décision, fut-elle l'inverse de celle d'il y a trois mois
- étayer de chiffres sortis du chapeau des constats plus que discutables
- présenter chacun de ses choix politiques comme une évidence sans alternative
- mentir effrontément (le passage sur Woerth qui aurait "souhaité quitter le gouvernement" alors qu'il déclarait trois jours plus tôt sur une petite radio confidentielle, RTL, vouloir y rester, est particulièrement savoureux)
- agresser l'interlocuteur (choisi préalablement pour sa grande pugnacité) pour esquiver les questions qui fâchent et pour lesquelles aucun élément de langage n'a été préparé par les spin-doctors de l'Elysée

Qu'on se rassure cependant, personne de réellement important n'a pris la peine de commenter sérieusement cette intervention.
A gauche, on a lu des communiqués probablement rédigés avant même le passage télévisé, avec des gros morceaux de "président affaibli", "éloigné des français", et autres petites phrases construites pour buzzer plutôt que pour éclairer.
A droite, on a lu des communiqués probablement rédigés eux aussi avant le passage télévisé, avec des gros morceaux de "les mots justes", "langage de vérité" et autre "volonté de poursuivre les réformes" qui sonnent aussi juste qu'une chanson live de Coeur de Pirate.

Une petite mention spéciale à Frédéric Lefebvre et son "le visage d'un président à la hauteur de la hauteur des attentes des Français", qu'on pourrait presque prendre pour un chambrage à la hauteur de la hauteur de mes attentes si ça n'émanait du plus servile des grognards de la majorité.

(liste des principales réactions ici)

Bref, on a une nouvelle fois assisté (enfin, "vous", moi j'ai regardé du foot) à deux heures de communication politicienne, bassement calculatrice, aussi dépourvue de respect pour les citoyens téléspectateurs qu'éloignée de la politique au sens noble du terme que

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