lundi 30 novembre 2009

[VNR] Ach, j'ai cru voir un gros minet

Aujourd'hui, les amis, on va parler BozArt. Et plus particulièrement du BozArt le plus solide et le plus intéressant parce qu'on peut vivre dedans en plus de vivre avec : l'architecture.

A ma gauche : la Tate Modern de Londres, fleuron de l'architecture nationale Suisse (c'est pas moi qui le dit, c'est eux)

A ma droite : la mosquée Hassan II, de Marrakech.



Et nous arriverons ainsi, avec concision mais pertinence, à notre conclusion :

Les suisses c'est pas du tout des racistes, c'est juste que les arabes ils leur foutent trop la honte à leurs fleurons.

Merci de votre attention. Demain : pourquoi Eric Besson n'aime-t-il pas les sans-papiers ?

vendredi 27 novembre 2009

[Polis] Gris aigri

L'hiver approche. Je sais que c'est trivial, comme constat, mais on ne le dit jamais assez : allumer son chauffage, mettre un manteau, se lever quand il fait nuit, les signes ne manquent pas de l'arrivée de cette triste saison où gèlent les plantes et les sans-abri. Et comme un long corridor vers la déprime de fin d'année, la grisaille de l'automne nous conduit des joies estivales aux premiers flocons. S'il est un symbole de cette transformation lancinante qui du paisible aoutien fait un grotesque emmitouflé, c'est bien cette couleur : le gris.

Levons les yeux : du gris, à peine tâché du blanc sale des nuages. Baissons les yeux : le gris de l'asphalte, du trottoir ou du quai de métro (si tu baisses les yeux et que tu vois du sable blanc ou le turquoise d'une eau tropicale, tu es prié de lâcher internet et de retourner profiter de tes vacances de plouc au Club Med de Point-à-Pitre). Enfin, en gardant le regard à une hauteur naturelle et incontestablement plus prudente (un poteau est si vite arrivé quand on s'amuse à scruter le ciel), c'est le gris, des costumes et des visages, qui prédomine.

D'aucuns s'interrogent déjà sur la direction que prend cet article, chronique météorologique ou analyse chromatique du milieu urbain. A ces impatients je répondrai qu'il n'est pas toujours facile d'amener sur le tapis le sujet d'un post et qu'on s'accroche à ce qu'on peut pour l'introduire à ses (nombreux) lecteurs avec délicatesse. En l'occurrence, et pour lever un suspense que ne renierait pas l'inspecteur Derrick, j'aimerais m'apesantir sur ce qui préoccupe (il parait) manifestement une large majorité de nos concitoyens : le mariage gris.

Lancé par Besson Eric, ministre de son état, et grand pourfendeur de tabous idéologiques, ce problème de société connait son heure de gloire, comme le montre sa reprise par nombre de médias, et en l'occurrence par France2 et son journal de 20h dans un reportage éclairant que j'ai eu la chance de regarder hier.

Ici, lecteur, je m'inquiète : peut-être n'es-tu pas de cette foule de français qui s'intéressent aux vrais problèmes de société, et qui préfèrent faire des puzzles plutôt que de réfléchir à ce qui fonde notre belle république (et identifier, par la même, les éléments perturbateurs qui sapent sciemment ses beaux murs porteurs). Si c'est le cas, c'est bien triste, mais ça ne m'étonne guère, il n'est plus de civisme ni de conscience morale dans ce pays de dégénérés. Et ça ne m'empêchera pas de poursuivre cet article en commençant par t'expliquer un mariage gris.

Un mariage gris, c'est comme un mariage blanc, c'est à dire une union solennelle devant Dieu et le maire du coin d'un français bon teint et d'un métèque, ce dans l'unique but d'acquérir des papiers autres qu'un contrat de mariage et la liste des cadeaux du même nom, à la notable exception que le conjoint dont l'identité est nationale n'est pas au courant de la combine. Concrètement, cela veut dire qu'un de nos concitoyens épouse une étrangère (ou un étranger, mais c'est plus compliqué) en croyant son amour infini, avant de se rendre compte que sa douce conquête d'outre-frontière (et souvent d'outre-espace Shenghen) ne l'aimait pas pour son charme et son humour délicat, pas même pour ses performances sexuelles hors du commun, mais simplement pour sa carte d'identité et la perspective d'en obtenir une elle aussi.

C'est assez triste, au fond, comme histoire, et pour revenir à France2 et leur reportage, il est indéniable qu'ils ont su flairer le pathétique et le télégénique de la situation.

Imaginez : un homme marche, fier mais comme voûté sous le poids d'une indicible trahison. Il s'appelle Jacques (ou Pierre, ou René), la quarantaine banale, marié il y a deux ans à une marocaine (ou tunisienne, ou indienne, ou swahili) rencontrée sur Internet (ce qui exclut probablement la swahili de la liste des hypothèses). Ils s'aiment, elle vient en France, s'installe chez lui, ils se marient, trompettes et cotillons, félicité. Quelques mois (22) plus tard, c'est le drame : elle le quitte. Il se rend alors compte qu'il a été trompé, floué, volé de son amour par une profiteuse, et son coeur se brise en même temps qu'il s'ouvre aux caméras avides de nos chaînes publiques. Question du reporter : Mais vous l'aimez encore ? L'oeil humide et après un long silence émouvant, Jacques nous confie : Je crois que j'ignore avec qui j'ai vécu pendant ces 22 mois. Deuxième victime : Marcel, épousé puis quitté avec en prime des accusations de "violence conjuguale" alors que c'est pas vrai, il promet. Puis, l'expert : Bob, avocat spécialisé dans les divorces, d'expliquer que c'est assez difficile à prouver comme arnaque, et que donc finalement la seule solution c'est de divorcer, ce qui revient souvent à payer une pension alimentaire. Retour plateau, Pujadas enchaîne d'une voix monocorde et manifestement peu convaincue sur la liste des réactions de "l'opposition" à l'indignation du ministre pré-cité, réactions évidemment réduites à "bouh c'est vilain, bouh c'est un faux problème" pour éviter de poser le débat de manière trop intelligente complexe.

Je ne doute pas que d'autres reporters courageux se seront emparés de ce thème prometteur, et qu'il existe en France maints époux humiliés prêts à témoigner de la vilénie de ces hordes femelles (il est évident que le cas d'une épouse humiliée par un vil mâle existe aussi, mais je ne vais pas jongler avec les genre pendant douze ans), et je souhaite souligner le professionnalisme de ces journalistes qui emboîtent avec rigueur et pertinence le pas d'un ministre digne et sincère de notre belle République lorsqu'il bouscule les oppressants carcans de la pensée unique pour mettre en lumière un problème grave qui préoccupe nos contemporains. Merci messieurs, merci.

A ce stade de l'article, il me semble important de vous donner mon avis. C'est une décision certes unilatérale, mais vous m'autoriserez j'espère à estimer que sur mon blog il est légitime que j'exprime parfois mon opinion. Donc, qu'en pense-je ?

Rien.

Oui, rien. Ou du moins rien de plus que du mariage bleu, blanc, rouge, noir, vertical et parabolique. Qu'en guise de problème de société on nous a bricolé un fantasme d'époque, qui tombe à pic pour appuyer la politique anti-immigration du gouvernement et les craintes minables d'un bout de France bas-de-plafond pour qui les moeurs se délitent et que c'est important que le gouvernement intervienne pour revenir aux vraies valeurs.

D'abord, un mariage, c'est un mariage. C'est à dire l'union de deux personnes consentantes, devant une divinité quelconque, qu'elle s'appelle Allah, Notre Père ou Marianne. A ma connaissance, et à mon grand soulagement, on ne s'enquiert pas auprès des époux des raisons de leur consentement. "Claire, vous qui acceptez de prendre Bernard pour époux, sérieux, pourquoi ? Sa chevelure éclatante, sa tendresse, ses papiers ?". "Bernard, vous qui jurez amour et protection à Claire, c'est plutôt pour son père PDG, sa poitrine ma foi opulente, ou son identité nationale ?"

Au dela de l'indéniable fun que ces interrogations apporteraient à des cérémonies souvent très formelles et très communes, la mise en place d'une vérification des motivations conjugales me semble peu probable.

Ensuite, quand bien même on les vérifierait, ces motivations, en est-il de plus "justes", de plus "nobles" que d'autres ?

Que Jacques aille pécho une marocaine à son goût sur Internet, est-ce vraiment plus noble et plus juste que Djamilah qui séduit un français bon teint pour des papiers ? La détresse sentimentale ou sexuelle est-elle plus légitime que la détresse économique et sociale ? Peut-on, passées l'indignation et l'émotion d'une trahison, estimer plus pénible d'être trompé pour des papiers, ou de se taper deux ans de vie commune avec un quidam qu'on ne supporte pas pour avoir le droit de rester en France ?

Enfin, et pour revenir au fait que je ne pense "rien" du mariage gris, peut-on m'expliquer en quoi ce "problème" justifie l'intervention d'un ministre, une iniative nationale, et la collaboration enthousiaste de journalistes et commentateurs ? Pourquoi plus que celui du mariage motivé par l'intérêt financier ou la perspective d'un bout de gloire arraché à un époux célèbre ? Pourquoi plus que celui du mariage de raison parce qu'il est déraisonnable de conjuguer homosexualité et famille ?

Je mouline de la question rhétorique, la réponse est évidente : il y a des étrangers dedans. Les foules qui se massent à nos frontières comme autant d'épouvantails qui rabattent l'éléctorat de droite sale dans les filets UMP, on ne doit jamais, JAMAIS, les perdre de vue. Si s'essoufle la polémique sur les afghans expulsés, s'il n'est plus de Sangatte à démanteler ou de squatt à vider, il faut trouver d'autres drapeaux rouges à agiter devant les flippés du noir, de l'arabe ou du jaune. Et quoi de mieux qu'un cocktail moeurs/arnaque/bougnouls pour justifier les mesures d'oppression et de chasse à l'étranger.

Qu'Eric Besson ou quelques séides de la clique gouvernementale jonglent avec ces boules puantes, rien d'étonnant, la dignité républicaine de ces gens est aussi basse que leurs manoeuvres. Mais qu'une foule de commentateurs hument les effluves nauséabondes et se précipitent sur le festin comme autant de charognards sur un corps décomposé, c'est laid.

C'est laid, et à la grisaille de nos villes et du ciel automnal on peut ajouter celle, minable et dangereuse, du renoncement.

Puissions-nous épouser toutes les étrangères du monde pour noyer sous le nombre les abrutis.

mardi 17 novembre 2009

[Humeur] Pour vivre...

Samedi, mais c'est une manière comme une autre de commencer ma phrase, c'eut pu être un Jeudi que ça n'eut rien changé, je rentrais chez moi, marchant d'un pas allègre le long de la rue Oberkampf, quand je croisai soudain le boulevard Richard Lenoir et deux clochards. A ce moment précis, la chanson déversée dans mes oreilles par l'Ipod qui leur sert de paupière sonore s'achevait, ce qui me permit d'entendre un tout petit bout de leur dialogue , tandis que je leur jetai un oeil aussi hâtif que gêné. C'était l'un, qui disait à l'autre : "pour vivre...". La chanson de Weezer avant, le silence après, suspendu.

Ca n'a l'air de rien, ces deux mots et ces trois petits points, mais ça m'a plongé dans un abîme de perplexité, mêlée d'un peu de honte, comme à chaque fois que j'effleure sans le vouloir et à reculons l'extrême pauvreté. Perplexité parce que renvoyé à quelque chose que je n'avais jamais ni accepté, ni rejeté, simplement rangé dans un coin poussiéreux de mon encéphale : on peut être marginal, crasseux, affamé et à la rue, et vouloir vivre. Continuer.

Pourquoi vit-on ? Je n'entends pas régler ce problème philosophique millénaire en deux lignes d'un blog à la con, mais on peut lancer quelques hypothèses en vrac : pour construire quelque chose, parce qu'on a des projets, parce qu'on a pas fini la trente-septième saison des Feux de l'Amour. Ou bien parce qu'on a peur de la mort. Ou bien parce que c'est comme ça et qu'on ne sait pas quoi faire d'autre.

Mais quand on est dans la rue ? Quand on est seul, qu'on a froid ou faim ou peur en permanence ? Je ne sais pas ce que c'est, d'être dans la rue. Peut-être après un temps d'adaptation régénère-t-on les mêmes schémas qu'une vie normale : des aspirations, des choix, des espoirs et des déceptions. Ou peut-être survit-on sans lendemain, porté par l'hébétude et l'habitude. Aucune de ces alternatives n'est réellement accessible à ceux qui ne les vivent pas, je suppose. Mais malgré cette ignorance des choses, ce "pour vivre..." est plus poignant et pathétique que je ne le voudrais.

Je n'ose pas leur parler. Ils souffrent, je vais pas les emmerder avec mes interrogations de bourgeois qui culpabilise, me dis-je pour maquiller ma lâcheté. Ma lâcheté ? Ils me font peur parce qu'ils me font honte d'être là où ils ne sont pas. Honte d'avoir envie de les aider mais de ne jamais le faire. Tout le monde, tant de monde, les ignorent pour les mêmes raisons. Tout le monde ne les entend pas parler. Personne ne les voit vivre.

"Pour vivre...", sans le regard de personne ?

Merde.

[Blog] Know your enemy

Je me suis tout récemment lancé dans une entreprise qui à beaucoup, et en particulier ceux qui connaissent ma rigidité intellectuelle, paraitra excessive : j'envisage de comprendre ce que pensent les gens qui ne pensent pas comme moi.

Je ne vous le cache pas, c est une gageure, mais je dispose de quelques spécimens qui méritent examen et qui, par leurs positions extremistes et provocatrices me tendent avec une régularité de métronomes le miroir peu glorieux de mes propres dogmes.

L'objectif n'est pas ici de leur cracher au visage, de leur faire de la publicité encore moins, mais d'exposer la démarche qui me permettra, je l'espère, d'ouvrir mon coeur et mes chakras à d'autres vitalités cosmiques que la mienne.

Règle N°0 : Lire l'article de l'antagoniste en entier.
Règle N°1 : Comprendre ce que l'antagoniste a voulu dire.
Règle N°2 : Arrêter de l'insulter silencieusement et comprendre ce que l'antagoniste a voulu dire.
Règle N°3 : Ne pas prendre appui sur la première inexactitude pour brûler l'article entier.
Règle N°4 : Ne pas discréditer un argument incomplet : se renseigner.
Règle N°5 : Accepter qu'il puisse, parfois, avoir raison.

Les premières règles sont déjà mises en pratique, mais la dernière me donne du fil à retordre.

Auto-critique is a serious bizness.

[SANTACLAF] Taxation = c'est la vie

Parce que je sens qu'il s'agira d'un phénomène récurrent, et parce qu'il est dans l'air du temps de manier l'acronyme, j'introduis ici le SANTACLAF (pour Sujet Archivé Non Traité A Cause LA Flemme).

Pour le définir clairement, le SANTACLAF est un thème que je souhaiterais aborder ici, suite à une lecture/audition/sainte illumination, mais que je ne traite pas immédiatement -pour des raisons qui se résument souvent aux deux vocables "PAS" et "ENVIE"- et qui s'avère, un peu ou complètement, déconnecté de l'actualité immédiate.
Par exemple : la mort de Lady Di (c'est un exemple (même si tout le monde sait qu'il s'agit toujours d'un sujet d'une brûlante actualité)).

Afin d'illustrer de manière un peu plus limpide ce concept nébuleux, je vous soumets mon premier SANTACLAF : la taxe professionnelle. Pas encore périmé, mais plus tout à fait à la une (y a eu la main de Thierry Henry, entre temps), pile dans le tempo.

Avant d'aborder ce sujet sache, lecteur, que je me réveille dans les environs de 7h49 avec France Inter, où le vibrionnant Nicolas Demorand discute de sujets sérieux avec un invité, souvent sérieux (comprendre, un homme politique, un universitaire, et parfois un philosophe avec des pincettes). Ces débats susurrés dans mon oreille encore embrumée par les volutes nocturnes (l'image est malheureuse, mais je m'entraine aux combos de figures de style : ici, le métonymo-hadoken) me tourmentent souvent au point que je souhaite en parler ici, mais pas assez longtemps pour que le passage à l'acte soit régulier. Sache (ça fait beaucoup de choses à sacher, je te l'accorde) néanmoins que cette émission est une source inépuisable de SANTACLAF.

Bon, venons-en au fait. La taxe professionnelle est, merveilles du vocabulaire politique, une taxe acquittée par les professionnels, que nous appelerons désormais TP, pour faire cool ainsi que pour rendre hommage à Tony Parker. Au même titre que la taxe foncière (TF) et la taxe d'habitation (TH), elle est perçue par les collectivités locales, et non par l'Etat obèse que pourfend le libéral quand il a fini de compter ses poux. Grossièrement, toute entreprise disposant de locaux dans une commune, un département, une région, doit leur filer un montant proportionnel à son chiffre d'affaires et quelques autres heureux paramètres. Voilà le principe.

De son côté, l'entreprise, qui n'aime pas tellement qu'on lui pique des bouts de son chiffre d'affaires, proteste vigoureusement, et depuis longtemps, contre cet impôt inique, et pousse de toutes ses (maigres) forces pour qu'après maints allègements, dégrèvements, et autres trucs en "ments" qui veulent dire qu'elle paie moins, la taxe en question soit supprimée. Nicolas Sarkozy, dont l'oreille attentive n'est jamais loin des revendications de madame l'entreprise, a donc décidé de faire sauter cette taxe (inique, remember) au motif que bon, si l'entreprise le demande, elle doit bien avoir raison, sinon elle serait pas l'entreprise.

C'est à ce stade de l'Histoire qu'interviennent les deux interlocuteurs de Nicolas Demorand dans l'émission pré-citée, dont je n'avais pas retenu les noms ni les titres, et qui s'avèrent être Claude Bartolone (PDG de la Seine Saint Denis) et Eric Ciotti (PDG des Alpes Maritime). Je ne saurais retranscrire la totalité de leurs échanges, mais c'est l'envolée de l'un des deux (probablement Eric Ciotti, qui avait en tant que membre-géniteur nettement plus besoin de vendre la réforme que son compère) que je souhaiterais commenter. Non qu'il s'agisse d'une position iconoclaste qu'il faudrait souligner, mais plutôt parce qu'il résumait parfaitement le non-débat autour de cette décision.

L'homme expliquait donc que la taxe professionnelle allait libérer les entreprises du lourd fardeau qu'elle représentait, que ces entreprises allaient incidemment mieux se comporter financièrement, donc embaucher, donc filer indirectement des thunes aux collectivités locales qui non seulement y trouveront leur compte, mais même doublement puisqu'il ne faut pas oublier que le gouvernement s'engage à compenser la perte de revenus liée à la suppression de cette taxe par le versement de sommes équivalentes (dont l'origine, la nature, et la durée ne sont pas encore définies mais ne vous inquiétez pas, depuis quand ne fait-on plus confiance à son gouvernement ?).

Comprendre : c'est notre devoir d'aider les PME qui ploient sous le joug de l'impôt, elles iront mieux et on fera tous la teuf en se hurlant "win-win" au visage.

On a le droit de croire en sa bonne foi, même si le pari ne s'étaie pas tellement d'arguments (ça ira mieux, on vous le dit). En revanche, on peut regretter qu'un aspect du problème soit tenu sous silence sans éveiller la moindre protestation : cette taxe, elle servait à quoi, exactement ?

D'après ce qu'on sait, elle était perçue par les collectivités locales. Que prennent en charge les collectivités locales ? Les régions sont, je cite, "compétentes pour l'action et le développement économique, par exemple les infrastructures de transport et de communication, la formation professionnelle et l’entretien des lycées d’enseignement public.". Les départements, quant à eux, alignent la monnaie "pour l'action sanitaire et sociale, l'entretien de certaines voies routières, pour la protection civile et l'entretien des collèges d'enseignement public".

Par une élégante opération transitive, on peut donc en conclure que la taxe professionnelle finance les transports, la formation, et quelques autres vétilles locales.

Là, c'est mon tour de faire une hypothèse un peu risquée : je mettrais bien, sinon la main, quelques phalanges à couper que l'écrasante majorité des PME locales que l'on souhaite libérer du carcan soviétique du prélèvement obligatoire s'appuient vigoureusement sur l'aménagement du territoire et la formation locale. Que Toto le fabricant de boulons, ou Roger le développeur de logiciels de gestion logistique, sont ravis d'avoir une départementale bien entretenue pour faire rouler leurs camions, des ouvriers/employés alphabétisés et en bonne santé, et un niveau de vie suffisamment élevé pour ne pas risquer de se prendre une balle chaque fois qu'ils sortent avec bobonne dépenser leurs bénéfices au restaurant.

Voir l'impôt comme un vol, tout en considérant comme naturels et dûs les bénéfices structurels et sociaux qu'il finance, n'est-ce pas un peu paradoxal ?

Jean-Michel Apathie, qui n'est pas particulièrement de mes idoles, déclarait récemment sur le plateau du Grand Journal (Canal+), suite au débat courageusement lancé par E.Besson sur l'identité nationale, qu'un français, c'était quelqu'un qui payait ses impôts en France, au sens où il contribuait ainsi à l'effort national. Non que je souhaite étendre la définition aux entreprises, l'argent n'a pas plus de nationalité qu'il n'a d'odeur, mais n'interpréter l'intérêt d'investir/de s'implanter dans un pays qu'à l'aune de la fiscalité, c'est se foutre de la gueule du monde. Claironner que "les investisseurs vont s'en aller si on leur diminue pas leurs impôts", est une équation simpliste, trompeuse, qui revient à nier une quelconque supériorité des infrastructures françaises par rapport à celles, au hasard, de la Roumanie ou du Maroc. Et à force de la nier, et de tirer sur la corde en appauvrissant les collectivités qui entretiennent ces mêmes infrastructures, elle finira par se nier toute seule. Le chemin du développement n'est pas à sens unique.

Bref, cette faculté des "analystes" à évacuer le "rôle" de l'impôt pour n'en faire qu'un épouvantail à investissement me sidère, par sa légèreté intellectuelle, mais aussi et surtout par l'impunité dont elle bénéficie partout. Supprimer la taxe professionnelle, et faire comme si on ne supprimait pas dans la foulée ce qu'elle paie, c'est un peu comme télécharger des divx en considérant que ça ne peut pas nuire au cinéma. Pas sûr que ce soit la ligne directrice des ceux-là même qui ont signé son arrêt de mort.

Après, je peux me tromper.

[Polésie] Babel la vie

Bulle d'air, qui vole et qui éclate
Oxygène occident occinelle écarlate
Bulle d'eau, noyée dans le ciment
Qu'on étale, qu'on sèche, et le désert s'étend
Bulles d'eau, bulles d'air
Voyez venir les bulldozers.

[VNR] Vol au dessus d'un nid de gogols

J'ai essayé de rédiger un petit texte introductif plein d'élégance et de subtilité avant de vous soumettre cette vidéo, mais celle-ci est tellement, comment dire, brutale, que je crois qu'elle se suffit à elle-même.

Donc installez vous confortablement, prenez des pop-corns ou un pot de Chunky Monkey (amewican obese staïle), et ne nourrissez pas les animaux.

(clique sur l'image si tu veux voir ses congénères)

mercredi 4 novembre 2009

[Polis] Police partout, police nulle part

Comme vous pourrez le lire si vous creusez dans les abyssales profondeurs de ce blog, j'avais pris à son ouverture la résolution d'être régulier. Comme à ma triste habitude, cette belle décision aura duré le temps de la formuler, et guère plus, mais tenaillé par les scrupules j'ai néanmoins pris soin de noter les sujets que je souhaitais aborder.

J'avais par exemple noté dans un style sibyllin mais pertinent le thème suivant : "effectif police sécuritaire tarnac".

J'aurais pu publier la note telle quelle, ça vous aurait changé de ma loghorrée et elle se suffit à elle-même, mais où serait le plaisir ? Donc je développe.

D'abord, je voulais réagir à l'annonce de Brice Hortefeux de l'augmentation, prévue, des effectifs policiers en 2010. A l'heure où l'on dégraisse à tour de bras dans l'éducation, la justice ou la santé, j'avais trouvé là une fort belle occasion de vomir (voluptueusement) ma bile. Las, la lecture du Canard Enchainé de la semaine suivante m'apprenait qu'en réalité ces chiffres étaient bidon, et qu'ils ne tenaient compte ni de la transformation d'emplois en contrats précaires, ni des départs à retraite, et que soustraction faite, les effectifs baissaient.

Impossible donc de pérorer sur ce gouvernement qui privilégie financièrement le flic à l'instituteur. On pourrait en revanche largement s'étendre sur les raisons qui poussent nos ministres à bluffer sur la hausse du nombre de policiers tandis qu'ils revendiquent haut et fort les baisses d'effectif dans d'autres secteurs publics (cf ci-dessus).

Ensuite, je voulais réagir à cet article sur un blog sympathique (quoiqu'honteusement gauchiste) parce qu'il reprend la déclaration d'un syndicat de la police nationale (Alliance) qui me semble tout à fait édifiant.

Pour ceux qui ont la flemme de lire, il s'agit d'une réaction syndicaliste à la condamnation de deux policiers de La Courneuve, mis en examen pour violences lors des émeutes de 2005 où ils avaient été filmés en train de maraver du sauvageon. Condamnés à des peines équivalentes à deux emplois fictifs à la mairie de Paris (prison avec sursis + un an de suspension), ils ont bénéficié du soutien du syndicat susnommé par la voix d'un de ses membres, qui explique que certes, ce sont des violences, mais commises dans un climat de violence, donc bon, hein, on est tous humain n'est-ce pas, et qui termine par assurer que c'est avec ce genre de décisions qu'on démotive la police.

Je ne blâme pas ce monsieur, il est dans son rôle de défenseur de la corporation policière, même s'il est un peu triste que son analyse se limite à un (triste) constat au lieu d'identifier les causes profondes de cette violence. On pourrait certes trouver à redire sur l'idée que la police n'est motivée que tant que sa violence n'est pas contrôlé, mais je pense que l'important est ailleurs. Et, par exemple, dans le fait que le métier de policier se voit réduit au rôle suivant : répondre à la violence par la violence, ou plutôt répondre par la violence légitime à la violence criminelle, comme si elles étaient toutes deux de même nature.

On constatera d'ailleurs que c'est assez systématiquement le discours des policiers accusés de violences : c'est pas eux qui ont commencé. Comme s'il était normal que le flic réplique au délinquant (et, par égard pour notre belle institution policière, j'occulte les cas où le délinquant s'avère être un simple quidam un peu bronzé qui passait par là) comme deux gamins règlent leurs comptes dans une cour de récré.

On ne manque pas de périphrases pour désigner nos braves keufs : protection civile, maintien de l'ordre, représentans de l'ordre, personne ne modère ses efforts pour les habiller de lumière et de solennité, ce qui me semble cohérent avec la volonté de s'éloigner des logiques tribalo-miliciennes qui hantent nos JT et notre récent passé. La police n'est pas un faisceau ou un groupe d'auto-défense, elle est investit par l'Etat de la légitimité de la violence, et ce n'est pas un chèque en blanc. Elle doit en échange, elle DEVRAIT en échange disposer d'une maitrise et d'une modération dans cette violence qui justifie qu'elle en soit le dépositaire. En bref, que la violence soit à tout moment et en tout lieu un dernier recours, une extremité à laquelle aucun de ses membres n'aspire.

Ca, c'est pour le monde des bisounours. Dans la vraie vie, le policier est précaire, sous-formé, chauffé à blanc par des discours sécuritaires bourrés d'amalgames et de raccourcis, mis sous pression par une politique du chiffre diamétralement opposée à l'action réfléchie qui devrait être sa règle. Et ça ne va pas en s'arrangeant, si l'on en croit l'Hortefade citée un peu plus haut. Alors qu'une police civilisée, progressiste (non, je ne cherche pas l'oxymore provocatrice) devrait être composée d'éléments expérimentés et doués de recul sur leur propre rôle, on se dirige vers une foule de troufions incultes et violents qui cèdent aux mêmes pulsions que ceux qu'ils doivent contrôler et/ou protéger. Et qui masque ses propres insuffisances par le déni et la manipulation (les policiers condamnés pour les violences de La Courneuve le sont aussi pour faux en écriture).

Il me semble donc qu'à chercher ce qui pourrait démotiver la police de Seine-Saint-Denis, on puisse trouver plus grave et plus pertinent qu'une juste condamnation pour passage à tabac.

Enfin, et ce sera l'épilogue de cet article fleuve, je voulais revenir sur cette phénoménale affaire de Tarnac, qui si elle était baudruche serait en train de se gonfler "à l'envers". Après la phase de dégonflage, où nous passâmes du démantèlement d'un réseau terroriste à la simple garde-à-vue d'un couple vaguement anarchiste accusé de pas grand chose, les preuves abondent d'une grossière et pitoyable manipulation policière : les témoignages sont remis en cause, les pièces à conviction falsifiées, le savant édifice de cette affaire en carton branle de toutes parts.

Question : après s'être passionnés pour la sourde menace de l'ultra-gauche, puis pour le sort de Julien Coupat-l'intellectuel emprisonné, les médias daigneront-ils s'intéressés à la machine policière dans ce qu'elle a de plus kafkaïen, et dissèqueront-ils les rouages (et les responsabilités) de ce qu'on peut probablement qualifier de machination à l'encontre d'innocents politisés ?

Rien n'est moins sûr, évidemment.