jeudi 24 décembre 2009

[SANTACLAF] Rémunérons et agrippa

Attention, article de droite.

Ce matin, c'est la voix, douce et frémissante d'exaltation, d'Henri Guaino qui m'a tiré par la manche du sommeil et du lit. Après avoir répondu à un auditeur sur son adéquation idéologique avec les principes du Conseil National de la Résistance (mise en doute par l'auditeur, revendiquée par Guaino), le scribe sarkozyste expliquait qu'ils (Sarko et lui) avaient fait du bien à la France en remettant le mérite et la valeur du travail au goût du jour. Ca m'a donné envie d'en remettre une couche sur "le mérite" tel que défini par nos amis de l'UMP, et je m'apprêtais à me lancer dans une tribune énervée sur la vilaine manipulation qui entoure ce terme quand, soudain, hop, éclair d'intelligence.

Je laisse un peu plâner le suspense sur la nature dudit éclair, ils sont si rares que tu me pardonneras lecteur d'en profiter un peu, mais la probité m'oblige à signaler que la lecture d'un article de Gauche Libérale (j'y reviendrai non, en fait) n'y est pas étrangère. Intitulé "La Justice Sociale", ce dernier s'opposait au terme employé par les partis de gauche, en expliquant qu'user du mot "justice" impliquait qu'il y ait crime préalable. Ils en venaient à la conclusion que la revendication d'une justice sociale revenait à criminaliser tout profit, ce qui est mal. Je ne suis pas d'accord avec ce sophisme, mais la proposition initiale a le mérite de poser une bonne question : qu'est-il juste de gagner ? Sur quelles bases et pourquoi doit ou peut-on percevoir de l'argent, et de qui ?

Plutôt que de m'embarquer dans une diatribe anti-mérite, j'ai donc décidé de réfléchir et de te soumettre, lecteur, ma conception de la"Justice Sociale", ou plus exactement, de poser cette question : Que doit-on rémunérer ? Et pourquoi ?

(dans les paragraphes ci-dessous, je choisis de considérer qu'en toutes circonstances c'est "la société" qui allonge la maille, celle-ci ayant le bon goût de regrouper l'Etat, le particulier et l'entreprise privée en un seul et même gros bordel)

D'aucuns diront le travail, et je reconnais hardis lecteurs que ça roule de bon sens. Mais une telle affirmation demande de définir le travail, et si vous voulez vous embarquer dans l'article le plus long de l'histoire de la blogosphère, c'est une excellente direction. N'ayant pas le courage de vous y suivre, je vous propose de contourner l'obstacle de la définition en substituant au pénible "travail" le plus simple "effort", au sens de "l'action énergique d'une force physique ou intellectuelle". Premier écueil néanmoins : on perçoit facilement que tout effort défini ainsi n'est et ne peut être financé. Je respire ? Je me gratte ? Je mâche négligemment le bout de mon stylo ? Voilà des efforts que le pire des socialistes ne voudrait voir rémunérer.

Il nous faut donc catégoriser les efforts pour distinguer ceux qui méritent, et ceux qui ne méritent pas. On met ici le doigt sur le vaste problème de nos amis sarkozystes, qui nous servent le mérite républicain à toutes les sauces et toutes les occasions : jamais ils ne s'attachent à expliquer ce qu'il recouvre. Nous y reviendrons, mais pour l'instant cherchons ce qui peut discriminer l'effort rémunérable de l'effort osef. Je propose, puisque c'est la société qui paie, que ne soit payé que l'effort qui lui est utile. Ce qui reviendrait à dire : la société rémunère tout effort qui lui est utile.

Qu'est ce qui est utile à la société ? Vous faîtes un peu chier à tout compliquer. Ce qui est utile à la société, c'est ce qui l'élève de manière globale ou infinitésimale. Le premier qui me demande de définir "l'élévation de la société" est invité à retourner pontifier dans ces bouquins du rayon sciences humaines de la FNAC où il n'y a jamais d'images.

Bien. Donc il est légitime de rémunérer tout effort qui permet l'élévation de la société. Nonobstant les raccourcis philosophiques et les biais idéologiques, il me semble que cette définition pourrait être partagée par tous. Si tel n'était pas le cas, ce serait quand même pas de bol d'avoir comme unique lecteur un schizophrène.

Dotés d'une définition générique et consensuelle, reste alors à parler proportions. J'étonnerai certainement les plus imbéciles de mes lecteurs (coucou le schizo), mais bien que gauchiste revendiqué, je ne milite pas pour l'instauration d'une égale rémunération pour tous. Je trouve légitime et souhaitable que le salaire d'un individu soit proportionnel aux efforts fournis et à leur utilité sociale.

Nous nous trouvons ainsi sur une grille à deux axes : l'effort (qui regroupe comme dit plus haut l'effort intellectuel, l'effort physique, mais aussi la prise de risque) et l'utilité sociale.

Nous pouvons nous amuser à situer sur un ce référentiel différents individus : de l'entrepreneur à l'actionnaire (chers à nos dirigeants), ou du prof d'histoire géo au chômeur longue durée (nettement moins chers à nos dirigeants).
(voir fin de l'article)

Trois remarques :

D'abord, les évaluations respectives de l'effort fourni par chacun et de l'utilité sociale de chacun sont bien évidemment soumises à de nombreux biais idéologiques. Certains souhaiteront identifier l'utilité sociale à la performance économique, d'autres (souvent les mêmes) pondéreront fortement la prise de risque dans l'effort fourni. Encore faut-il assumer et justifier ces choix pour le moins discutables.

Ensuite, se présente le cas, en supposant qu'il existe, des individus situés à l'origine du repère (effort nul, utilité sociale nulle). Je crois pour ma part impossible un tel cas de figure (même le plus marginalisé des SDF est utile socialement, ne serait-ce qu'auprès de ses congénères) mais il n'est pas incohérent dans un référentiel comme celui décrit dans le paragraphe d'au-dessus. Considérer alors que leur rémunération doit être nulle me semble moralement discutable. Il existe donc une rémunération minimale, perçue par tous, à laquelle s'additionne la rémunération des efforts et de l'utilité sociale sus-évoqués : c'est le minimum social.

Enfin, et cela demanderait au moins autant de temps pour le développer, la rémunération ne prend pas nécessairement la forme sonnante et trébuchante de l'argent. La reconnaissance sociale (le "statut"), le capital culturel, etc...sont autant de rémunérations difficiles à évaluer mais qu'il est indispensable de prendre en compte pour mesurer les rémunérations respectives des uns et des autres.

Car, et ce sera ma conclusion, si chacun perçoit une rémunération à la hauteur de son effort social, il est important pour maintenir la cohésion et la "justice" (on y revient) de l'ensemble que les écarts de rémunération entre individus restent maintenus dans des proportions humainement concevables. Parce personne n'est infiniment plus utile à la société que son prochain, et parce que finalement cette (modeste) analyse reste purement comptable, c'est à dire bien loin de l'essentiel.

Car, et ce sera ma conclusion (cette fois c'est la bonne, promis), c'est finalement assez laborieux de réfléchir sérieusement à d'aussi vastes problèmes, et mieux vaut finir par une pirouette que par un point final.

Bonus : mon référentiel.


(quelle provoc' ?)

mercredi 23 décembre 2009

[Top 2009] Les albums

Au printemps, les primevères. En été, les jeunes filles. En automne, les dossiers "immobilier" sur les unes des hebdomadaires . En fin d'année, ce sont les top et les bilans qui fleurissent. Cédant à la frénésie ambiante, j'ai à mon tour décidé de me livrer à ce bien vain exercice, et dresser la liste des oeuvres musicales, cinématographiques et vidéoludiques qui auront marqué mes douze derniers mois.

Précaution liminaire : ces bilans ne sont pas spécifiquement qualitatifs, ils mentionnent les disques, films, jeux et livres que je retiens de cette année. Pas nécessairement les meilleurs.

Précaution liminaire 2 : je ne mentionne aucun livre, non que je n'ai lu, mais parce que mes lectures sont totalement décorellées des sorties littéraires. Je ne crois pas avoir lu plus de deux livres sortis cette année.

Pour commencer, l'exercice le plus couru : la liste des 15 albums qui auront hanté mon iPod depuis le 31 décembre 2008.

(l'effrayant espace blanc ci-dessous est bien sûr involontaire, et essentiellement dû au fait que je suis une pipe intersidérale en HTML, sur blogger ou ailleurs)































01.Arctic Monkeys - Humbug
02.The Noisettes - Wild Young Hearts
03.Metric - Fantasies
04.Beirut - March Of The Zapotec/Holland EP
05.Phoenix - Wolfgang Amadeus Phoenix
06.Weezer - Raditude
07.Regina Spektor - Far
08.Fever Ray - Fever Ray
09.Andrew Bird - Noble Beast
10.La Roux - La Roux
11.Mos Def - The Ecstatic
12.The Raveonettes - In and Out of Control
13.Why - Eskimo Snow
14.Lily Allen - It's Not Me, It's You
15.Ebony Bones - Bone of My Bones

Commentaires à venir quand j'aurai moins la flemme.

mardi 15 décembre 2009

[Humeur] Morano, meuf relou

A l'heure qu'il est, la nouvelle essaime sur les blogs et journaux en ligne plus vite qu'un lip-dub des jeunes pop', mais j'estime nécessaire d'apporter ma modeste pierre à l'édifice qui, un jour, je l'espère, lui retombera sur la gueule pour lui réduire les maxillaires en charpie au point qu'à côté, le sourire de Berlusconi ce sera celui de Miss France : Nadine Morano a commis aujourd'hui l'une des citations les plus ouvertement décomplexées de l'histoire du sarkozysme, qui n'en manque pourtant pas.

Invitée à un débat sur l'identité nationale dans les Vosges (et plus précisément dans la ville de Charmes, en hommage à Maurice Barrès), la secrétaire d'état à la Famille et à la Solidarité a déclaré, ouvrez les guillemets avec vos combinaisons anti-radiations :

Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c’est qu’il aime son pays, c’est qu’il trouve un travail, c’est qu’il ne parle pas le verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers

C'est superbe. Trouver une telle harmonie entre la stigmatisation de l'Islam et celles des jeunes de banlieue demande une expérience et un talent considérables. Car outre l'imbécile confusion entre un musulman et un wesh-wesh (qui se distingue de l'arabe par le fait que lui, même quand il n'y en a qu'un, ça fait des problèmes), l'idée que parler verlan ou mettre une casquette à l'envers serait contraire aux fondamentaux de l'identité nationale est d'une profonde, profonde, profonde bêtise. Imaginer qu'il existe une version canonique et immuable du parler populaire (qu'est le verlan, comme avant lui l'argot, le patois, le louchébem, etc...) qui serait partagée par tous et pour toujours, c'est crédible quand on lit le Figaro ou Finkielkraut, mais quand on a étudié Rabelais en troisième, on a déjà les armes pour démonter cette vision sépia-moisie de la langue française, qui dans la bouche du peuple est et sera toujours mouvante. Une langue ça bouge, et pas uniquement pour dire des conneries lors de débats décomplexés.

Je passe sur le port de la casquette à l'envers comme symbole de l'anti-nationalisme, si vous me le permettez.

Maintenant, je veux bien que la blondasse qui a commis cette bouse soit logée à la même enseigne que le préfet qui voyait l'Afrique à Roissy. A moins que les auvergnats ne viennent une nouvelle fois au secours des racistes institutionnels.

mardi 8 décembre 2009

[Polésie] Complainte du benoist de Radon

Prends un train vers la pluie
Prends un coffre sur la tête
Prends ton joli survet'

Au matin nous irons
Cueillir des champignons
Et fumer des pétards

Ou bien jouer au foot
Dans la boue, sous les gouttes
Et fumer des pétards

On mangera des trucs bons
Pour finir tard le soir
Par fumer des pétards

Et à l'heure du départ
Nous irons à la gare
Pour fumer un pétard
D'au revoir.

vendredi 4 décembre 2009

[SANTACLAF] Identité naze et nulle

Vous connaissez le supplice de Tantale ? C'est l'histoire d'un mec qui avait, aux temps antiques d'avant l'Antiquité officielle, quelques petits trucs à se reprocher, et s'était vu punir par les Dieux de l'Olympe qui versaient alors assez peu dans la magnanimité et l'assistanat. Et comme en ce temps là on punissait avec élégance et originalité, tout l'inverse de cette époque aseptisée où on n'a même plus le droit de sodomiser les détenus avec des AK47, il fut condamné à passer l'éternité dans le Tartare (ni le désert, ni le steak, juste un étage des Enfers héllènes) avec à portée de mains un arbre gorgé de fruits mais dont les branches s'éloignaient chaque fois qu'il tendait la main pour les saisir, et une rivière à l'onde fraîche et limpide dont le niveau baissait chaque fois qu'il se penchait pour y boire. Autant vous dire qu'il n'a pas passé une très bonne éternité.

Ma position quant au débat sur l'identité nationale est sensiblement la même que celle de Tantale et de son putain d'arbre : j'ai envie d'en cueillir les marrons pour les commenter d'abondance, mais cela m'est refusé par la pénible conscience d'être un mouton guidé par son pâtre sur les chemins herbus de la débilité. Plus clairement : j'ai pas envie de faire plaisir à l'UMP en ventilant à mon tour l'écran de fumée qu'elle diffuse autour des vrais sujets.

MAIS DES FOIS C'EST DUR.

Par exemple, quand Eric Besson déclare (sur Europe 1), réagissant aux propos foireux d'un maire aviné ("y en a déjà dix millions qu'on paie à rien foutre"), que les "réflexions de comptoir" font aussi "partie de l'identité nationale", j'ai plein d'endroits qui me démangent, et pas seulement là où je pense. De deux choses l'une : soit Eric Besson croit ce qu'il dit, et c'est une insulte absolue crachée à nos visages de citoyens français, soit Eric Besson ne croit pas ce qu'il dit, et c'est une pirouette pour légitimer qu'on dise absolument n'importe quoi dans le cadre du "débat" qu'il a lui-même initié et dont il a parait-il fixé des règles strictes.

Dans les deux cas, il ne pousse pas le foutage de gueule jusqu'à feindre la surprise comme d'autres ici ou là ("à droite à gauche" se prêtait mal aux circonstances), du genre "Quoi, mais comment se fait-ce, il y aurait des dérapages racistes à l'intérieur de notre débat qui n'a rien à voir puisqu'il se penche sur l'identité nationale et qu'on a jamais dit que les noirs et les arabes ils étaient pas nationaux aussi".

Phase 1 : je lie (avec pour ficelle un ministère) immigration et identité nationale.
Phase 2 : je lance un débat sur l'identité nationale.
Phase 3 : je m'étonne que le débat porte sur l'immigration. Implacable.

Bon, telle une vierge farouche résistant aux avances libidineuses de bergers en rut, je m'étais promis de ne pas m'étendre, j'en reste donc là : la manoeuvre est grossière, le panneau béant, et ceux qui tombent dedans doivent bien le choisir un peu.

Je terminerai en mentionnant un article lu dans l'irremplaçable Monde Diplomatique qui évoquait les travaux d'Ernest Renan. Ce socio-philosophe du XIXème, qui naviguait avec un bonheur discutable au milieu des thèses racistes de l'époque, darwiniste mais ardent défenseur de la colonisation, chantre des races supérieures/inférieures (cruel portrait, à remettre en perspective avec l'époque, néanmoins), nous a légué l'idée suivante : la nation et la race sont deux notions concurrentes. La construction d'une nation passe donc nécessairement par la négation des races, par leur "dissipation" dans le creuset national. Appartenir à la nation, c'est "la possession en commun d’un riche legs de souvenirs" et surtout "le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis".

Wikipédia mentionne d'ailleurs un extrait évocateur de son "Qu'est-ce-qu'une nation ?"

La vérité est qu'il n'y a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l'analyse ethnographique, c'est la faire porter sur une chimère. Les plus nobles pays, l'Angleterre, la France, l'Italie, sont ceux où le sang est le plus mêlé. L'Allemagne fait-elle à cet égard une exception ? Est-elle un pays germanique pur ? Quelle illusion ! Tout le Sud a été gaulois. Tout l'Est, à partir d'Elbe, est slave. Et les parties que l'on prétend réellement pures le sont-elles en effet ? Nous touchons ici à un des problèmes sur lesquels il importe le plus de se faire des idées claires et de prévenir les malentendus

Un texte dont l'écho nous revient par Hamé, rappeur de son état, auteur d'une superbe tribune dans les colonnes du Monde, et qui exprime mon point de vue avec une concision dont je suis bien incapable : Etre français, c'est avoir sa vie en France et rien de plus.

Fermez le ban.

mardi 1 décembre 2009

[Humeur] Dans (Meridor) ton cul

Attention, génie politique.

Dan Meridor est un chic type. Ce n'est pas pour rien qu'il est vice-premier ministre israélien et ministre chargé des services de renseignement et de l'énergie atomique. Un titre un peu long, mais n'en doutons pas mérité. Dan Meridor appartient au Likoud.

Interrogé sur les négociations israëlo-palestiniennes, il explique que celles-ci sont bloquées par les palestiniens qui refusent de faire la moindre concession. Pire, qu'ils refusent celles faites par Israël, en particulier celles faites par Ehud Olmert à l'époque où il était premier ministre. Le journaliste, un peu perplexe, signale alors à Dan qu'Olmert, je le cite, "s'est contenté de propositions verbales, qui ne figuraient sur aucun document". Réponse intégrale, parce que franchement, ça vaut :

Mais pourquoi Mahmoud Abbas n'a-t-il pas dit, verbalement, "Oui, j'accepte" ? C'est quand la réponse est favorable, que l'on peut ensuite traduire cet accord par écrit. Olmert avait tout accordé : un Etat palestinien, des frontières acceptables, des concessions sur Jérusalem et sur la question des réfugiés... Les Palestiniens ont attendu des décennies, ils ont combattu, pour se voir offrir de telles concessions, et Mahmoud Abbas n'a même pas répondu ! Or il n'y a pas de chances que nous revenions aujourd'hui sur ce que Olmert a offert à l'époque.

Après les élections, une nouvelle condition a été avancée par Abou Mazen (surnom de M. Abbas), celle d'un gel total de la colonisation, qui n'avait jamais été formulée auparavant. Au cours des six années qui se sont écoulées depuis la signature de la "feuille de route", en 2003, les constructions n'ont pas cessé, et cela n'a pas empêché Abou Mazen de négocier avec Olmert ! Peut-être les Palestiniens avancent-ils ces pré-conditions parce qu'ils ont peur de signer un accord...

Pas mal hein ? Attends, je résume.

1. Franchement, on est entre potes, on se fait confiance, pourquoi tout écrire ?

2. On vous offrait plein de trucs que vous vouliez, c'est con, parce que maintenant on vous les offre plus.

3. Vous continuiez à négocier alors qu'on ne respectait pas vos demandes. Pourquoi vous voudriez qu'on les respecte maintenant ?

4. J'en déduis que ça ne vous intéresse pas.

Dan Meridor. C'est un pseudo, ça, non ? Je suis sûr que c'est Frederic Lefebvre qui s'amuse.

[Humeur] L'inlucidité

Le soleil brillait sur le palais présidentiel de Tegucigalpa, dissipant ces nuages aussi grisâtres que malvenus en ce jour de triomphe. Monsieur le Ministre de l'Intérieur, je tenais à vous féliciter personnellement pour le succès éclatant de ces élections, le Honduras et la démocratie nous doivent beaucoup et vous n'êtes pas le moindre de ses créanciers. Merci Monsieur Micheletti, et même si vous ne l'êtes plus que pour quelques heures, Monsieur le Président. La situation fut gérée de main de maître et je dois reconnaître que votre sens politique brillant n'est pas pour rien dans l'excellent résultat d'aujourd'hui. Rappelez-moi, Monsieur le Ministre, les scores de nos amis Lobo et Santos. 55% pour Lobo du Parti National et 37% pour Santos du Parti Liberal. Anita, veuillez prendre en note : insister sur l'écart entre les deux candidats, et bien faire figurer les scores des candidats de gauche en grossissant l'échelle. Merci de faxer cette note aux directeurs des chaînes de télévision. Monsieur le Ministre, nous parlions chiffres, quelle est la participation ? Nous ne disposons pas encore des éléments définitifs, Monsieur , seulement d'estimations. Mais encore, dites, quelle est la tendance. Monsieur, s'empourpra le Ministre de l'Intérieur, nous n'avons aucune certitude sur la fiabilité de ces estimations, je recommande à votre Excellence de patienter jusqu'à ce que mes services aient recoupés les chiffres des différentes régions. Ne faites pas l'imbécile, dites-moi tout de suite ce que je vous demande avant que je ne sollicite un de vos collègues qui se montrera certainement plus diligent. Monsieur, ne le prenez pas sur ce ton, je souhaitais simplement vous préserver d'un souci négligeable en cette belle soirée électorale. Mes services faisaient état, il y a quelques minutes, d'une participation, mais je doute que soient pris en compte les régions du Nord, qui sont comme vous le savez toutes acquises à nos candidats, et qui ne manqueront pas d'élever le chiffre de 35% que nous obtenons pour l'instant. Monsieur, il est inconcevable que ce chiffre s'ébruite. Je vous demande un chiffre de 70%, peu ou prou, et je compte sur votre efficacité pour qu'il soit entouré de toute l'exactitude requise avant d'être communiqué aux médias et observateurs internationaux. Je serai peiné de constater votre incompétence alors que je n'ai guère d'erreurs à vous reprocher jusqu'ici. Bien Monsieur le Président, je vous demande de m'excuser de prendre congé aussi soudainement, mais je dois d'urgence contacter les préfets pour passer mes consignes et vous agréer, vous avez ma parole que la situation sera comme vous l'avez décrite d'ici minuit ce soir. Bien, je compte sur vous.

Le regard absorbé par le trafic intense du Boulevard Miraflores, le Président faisait l'inventaire des actions à entreprendre pour que la situation reste sous contrôle. Recommander au récent vainqueur de constituer un gouvernement d'union nationale, d'y intégrer Santos, quelques ministres en exercice, et offrir un maroquin de seconde zone à Zelaya. La culture, ou peut-être les transports. Il refusera, et ils pourraient tourner cela comme un refus du compromis et lui imputer, à lui et à son irresponsable rigidité, la responsabilité des évènements passés et à venir. Tout s'était déroulé comme prévu avec Zélaya, comme toujours avec ces abrutis de chavistes. Pourtant, quelques heures après sa destitution et son expulsion du pays, la précarité de la situation n'échappait à personne, et il avait fallu redoubler d'effort pour ne pas réduire à néant des mois de travail, et se discréditer auprès des grands industriels qui lui avait fait confiance. En particulier, les pressions de l'OEA et de ce connard de Chavez avaient failli réussir et imposer la restitution des pouvoirs au chef de l'Etat déchu, de jure qu'il disait dans les médias européens. Roberto de facto Michelleti avait pourtant fini par l'emporter.

Le téléphone sonna, sa secrétaire pris l'appel puis d'un air pénetré lui confia qu'il s'agissait de l'émissaire américain. Monsieur Shannon, énonca-t-il en prenant le combiné des mains d'Anita, quel bonheur. Que puis-je pour vous ? Je tenais à vous féliciter pour le succès de ces élections, dit l'émissaire américain d'un ton enjoué, et vous rappeler que les Etats-Unis d'Amérique appuieraient le gouvernement à venir de toute leurs forces. D'incommensurables forces que les vôtres, monsieur Shannon, et nous n'oublions pas que c'est votre amitié et votre détermination qui ont permis de rétablir le bon droit au Honduras. Nous vous devons notre liberté retrouvée, et c'est une dette qui ne s'oublie pas. Monsieur Micheletti, les ennemis de nos ennemis sont nos amis, et c'est un lien bien plus fort qu'une amitié de circonstances. Le communisme a reculé sous les coups de nos efforts conjoints, et je peux vous assurer que le Département d'Etat partage mon enthousiasme pour la période de prospérité et d'échange qui s'offre à nous désormais. J'espère vous reparler bientôt, à vous ainsi qu'à monsieur Lobo, de cette histoire de soja dont nous avions déjà discuté il y a quelques mois. Avec plaisir monsieur Shannon, nous vous recontacterons dès le gouvernement formé. Il raccrocha et son sourire s'effaça.

Les américains étaient des alliés gourmands, mais leur fidélité quand l'ONU et les instances internationales leur avaient tournés le dos s'était avérée indispensable. Sans leurs efforts diplomatiques, et sans leur parrainage, jamais l'accord de San José-Tegucigalpa n'aurait pu être signé. Zelaya avait fait preuve d'une confondante naïveté, et leur avait offert un blanc-seing parfait pour organiser les élections à leur guise. C'était le ministre de la Justice qui avait eu l'idée de proposer son retour au pouvoir, en posant comme unique condition la tenue d'une consultation du Congrès. Zelaya, ravi de voir son exigence principale acceptée sans discussion, ne s'était enquis d'aucune feuille de route ni d'aucun détail sur cette consultation, de telle sorte qu'ils avaient pu laisser trainer, avec la bienveillance des Yankis, jusqu'à l'élection et le triomphe d'aujourd'hui. La cour suprême, qui avait de toute façon invalidé la restitution de Zelaya, n'avait même pas eu besoin de monter au créneau puisque le Congrès ne s'était pas réuni. Il faudrait penser à surveiller le ministre de la Justice. Et le ministre de l'intérieur aussi, d'ailleurs. Celui-ci avait quant à lui suggérer la constitution d'un gouvernement d'Union Nationale. L'union, l'unité, la réconciliation étaient des notions fort côtées à l'étranger, et leur simple mention apaisait en général les vélléités de sanction de la part des démocraties mal lunées qui leur avaient fait des difficultés au début. En guise d'union nationale, il avait constitué, et c'était une gageure de le faire passer, un gouvernement sans le moindre ministre ni partisan de Zelaya. Une gageure. Un succès. Il aurait donné cher pour avoir cette merde en face de lui. Reclus dans son ambassade en état de siège, agitant ses petits bras impuissants alors qu'il décidait, lui, de la destinée hondurienne depuis cinq mois et qu'il allait laissé à Lobo un pays pacifié, apaisé, le golpe oublié et les affaires en marche.

20h. Les journalistes allaient bientôt arriver pour son allocution, préparée depuis des jours. Il avait laissé un blanc là où le nom du candidat devait apparaître, Lobo, Santos, quelle importance. Il essaya d'imaginer un instant les questions des journalistes. Monsieur le Président, pouvez-vous justifier la présence de soldats dans les bureaux de vote ? Monsieur le Président, que pensez-vous des rumeurs d'abstention massive évoquées dans le pays ? Monsieur le Président, la tenue de cette élection sous le contrôle de votre gouvernement n'est-elle pas en contradiction avec les accords signés fin octobre avec monsieur Zelaya ? Monsieur le Président, quelles sont vos relations avec le Département d'Etat américain ? Foutaises. Les seuls crétins qui auraient osé lui poser ces questions étaient en résidence surveillée et leurs journaux étaient fermés. On allait lui parler d'apaisement, de retour au fonctionnement normal des institutions, de victoire du peuple et de la démocratie, on allait solliciter son interprétation des bons résultats du Parti National, et sur la défaite de son parti. Il dirait qu'il était normal que le peuple se tourne vers un parti moins divisé, et que le parti Liberal payait les incohérences du gouvernement précédent et la situation de ces derniers mois que la population avait désavoués, dans un refus unanime des réformes socialistes pilotées par le Venezuela contre la souveraineté du Honduras. Il remercierait les observateurs internationaux et les émissaires étrangers pour leur aide et leur soutien, il tendrait la main aux partisans de Zelaya en s'appuyant sur la voix du peuple qui était limpide et en souhaitant bonne chance à Monsieur Porfirio Lobo, qui aurait beaucoup de travail mais qu'il estimait beaucoup.

Le téléphone sonna à nouveau. La télé, certainement. Il décrocha. Monsieur le Président. Monsieur le Ministre, comment vont nos affaires étrangères ? Mal, je le crains, Monsieur, le Quai d'Orsay ne reconnaît pas les résultats de l'élection d'aujourd'hui. Le Quai quoi ?

Sources :
Le Monde Diplomatique
Le Figaro
Le Monde

PS : "La gauche reconnaît la victoire de Porfirio Lobo", titre le Figaro. La gauche = le parti libéral = le parti de Roberto Micheletti. Of course.

[VNR] C'Tarnac

Hier, je me suis infligé pour la seconde fois en quelques jours, et pour des raisons qui m'échappent encore, le journal de 20h de Laurence Ferrari. Pas tout, soyons honnêtes, juste le temps de m'immerger avec le vaillant auteur du sujet dans le noir quotidien des "autonomes", nouvelle mutation sémantique des gauchistes énervés également connus sous les noms d'Ultragauche, de Mouvance Anarcho-Autonome, etc...

Le reportage s'attachait tout d'abord aux pas de Pascal, un mec avec le crâne rasé et qui, nous dit le journaliste, "a déjà fait plusieurs fois de la prison pour dégradation". Interviewé, Pascal expliquera, sur fond de ZIM (Zone Industrielle Moche), que "le capitalisme c'est partout, donc on ne peut que l'affronter de façon violente".

Transition (habile) : des images de mecs cagoulés de noir qui caillassent des banques ou des flics, commentaire dramatique sur "ces black-blocks, notamment vus à Strasbourg lors du sommet de l'Otan" qui sont mystérieux et dangereux. Interview d'un mec en cagoule qui explique que c'est pas de la violence aveugle, ils caillassent que des banques ou des symboles de l'oppression capitaliste. Intervention de la voix off qui explique que la police dénombre 500 membres de black-blocks en France, mais qu'ils ont l'air vachement plus nombreux (alors que quand il y en a un, ça va).

Juxtaposition : histoire de l'activisme violent, Action Directe, images d'archives avec des gens qui meurent.

Nouvelle juxtaposition : "A Tarnac, par exemple, des jeunes gens organisés en groupuscule sont poursuivis pour sabotage de chemin de fer".

Conclusion rapide sur ces mouvements violents qui composent le paysage de la gauche non-institutionnelle. Retour à Laurence Ferrari qui enchaîne sur Noël qui est déjà là dans je ne sais plus quelle ville danoise.

Deux remarques :
1- faire un sujet sur ce nouveau marronier journalistique qu'est l'extrême gauche "violente" en ne mentionnant de Tarnac que la version d'il y a six mois, c'est à dire sans faire état de la violente remise en cause des enquêteurs et des témoins entendus, c'est beau.
2- balancer au 20h du cagoulé qui fait peur, entre deux tranches de bonheur pré-Noël, c'est évidemment un choix anodin.

Merci TF1.

Je profite de l'occasion pour signaler à l'éventuel pigiste qui serait tombé sur cet article en tapant "black-block" "peur" sur Google pour préparer son prochain sujet qu'il pourrait, histoire de changer un peu, se pencher sur ce qu'il se passe au Honduras, où dans un mépris absolu des règles démocratiques et des accords diplomatiques signés, l'opposition de jure (mais au pouvoir de facto) vient de remporter des élections présidentielles pitresques au point que même notre gentil Quai d'Orsay, pas tellement prompt à la condamnation sud-américaine, les désavoue.

C'est plus dur à résumer à Roger et Simone que les caillassages de boutiques par d'effrayants autonomes, mais rassure-toi, si ça continue, les images ne vont pas tarder à être aussi vendeuses.

[Polésie] Fakirmess

Comme tu as pu le constater, et depuis que la RATP m'a ouvert les yeux et décomplexé le complexe grâce aux très beaux poèmes placardés dans ses rames, je me lance à mon tour dans la polésie.

Luz, allume les larmes de l'onire.
Loose, allonge le livre de lire.
Luce, prends des chips et un kir.
Roger, la même chose !

Le fakir s'égare, il n'est plus dans les clous
Et du turban s'échappent ses pensées légères
Serpents agités par les flûtes du vent
Et par la foule avide de scandale et de sang
Que ne suis-je occident pour me trouver trouvère ?
Le fakir devient fou.

Ses vers, sévères, s'avèrent si verts.
Ton ton tonton est tant tentant.
Pilipilipilipili.

Ce blog étant respectueux des normes littéraires internationales, toute polésie apparaîtra désormais en italique.

lundi 30 novembre 2009

[VNR] Ach, j'ai cru voir un gros minet

Aujourd'hui, les amis, on va parler BozArt. Et plus particulièrement du BozArt le plus solide et le plus intéressant parce qu'on peut vivre dedans en plus de vivre avec : l'architecture.

A ma gauche : la Tate Modern de Londres, fleuron de l'architecture nationale Suisse (c'est pas moi qui le dit, c'est eux)

A ma droite : la mosquée Hassan II, de Marrakech.



Et nous arriverons ainsi, avec concision mais pertinence, à notre conclusion :

Les suisses c'est pas du tout des racistes, c'est juste que les arabes ils leur foutent trop la honte à leurs fleurons.

Merci de votre attention. Demain : pourquoi Eric Besson n'aime-t-il pas les sans-papiers ?

vendredi 27 novembre 2009

[Polis] Gris aigri

L'hiver approche. Je sais que c'est trivial, comme constat, mais on ne le dit jamais assez : allumer son chauffage, mettre un manteau, se lever quand il fait nuit, les signes ne manquent pas de l'arrivée de cette triste saison où gèlent les plantes et les sans-abri. Et comme un long corridor vers la déprime de fin d'année, la grisaille de l'automne nous conduit des joies estivales aux premiers flocons. S'il est un symbole de cette transformation lancinante qui du paisible aoutien fait un grotesque emmitouflé, c'est bien cette couleur : le gris.

Levons les yeux : du gris, à peine tâché du blanc sale des nuages. Baissons les yeux : le gris de l'asphalte, du trottoir ou du quai de métro (si tu baisses les yeux et que tu vois du sable blanc ou le turquoise d'une eau tropicale, tu es prié de lâcher internet et de retourner profiter de tes vacances de plouc au Club Med de Point-à-Pitre). Enfin, en gardant le regard à une hauteur naturelle et incontestablement plus prudente (un poteau est si vite arrivé quand on s'amuse à scruter le ciel), c'est le gris, des costumes et des visages, qui prédomine.

D'aucuns s'interrogent déjà sur la direction que prend cet article, chronique météorologique ou analyse chromatique du milieu urbain. A ces impatients je répondrai qu'il n'est pas toujours facile d'amener sur le tapis le sujet d'un post et qu'on s'accroche à ce qu'on peut pour l'introduire à ses (nombreux) lecteurs avec délicatesse. En l'occurrence, et pour lever un suspense que ne renierait pas l'inspecteur Derrick, j'aimerais m'apesantir sur ce qui préoccupe (il parait) manifestement une large majorité de nos concitoyens : le mariage gris.

Lancé par Besson Eric, ministre de son état, et grand pourfendeur de tabous idéologiques, ce problème de société connait son heure de gloire, comme le montre sa reprise par nombre de médias, et en l'occurrence par France2 et son journal de 20h dans un reportage éclairant que j'ai eu la chance de regarder hier.

Ici, lecteur, je m'inquiète : peut-être n'es-tu pas de cette foule de français qui s'intéressent aux vrais problèmes de société, et qui préfèrent faire des puzzles plutôt que de réfléchir à ce qui fonde notre belle république (et identifier, par la même, les éléments perturbateurs qui sapent sciemment ses beaux murs porteurs). Si c'est le cas, c'est bien triste, mais ça ne m'étonne guère, il n'est plus de civisme ni de conscience morale dans ce pays de dégénérés. Et ça ne m'empêchera pas de poursuivre cet article en commençant par t'expliquer un mariage gris.

Un mariage gris, c'est comme un mariage blanc, c'est à dire une union solennelle devant Dieu et le maire du coin d'un français bon teint et d'un métèque, ce dans l'unique but d'acquérir des papiers autres qu'un contrat de mariage et la liste des cadeaux du même nom, à la notable exception que le conjoint dont l'identité est nationale n'est pas au courant de la combine. Concrètement, cela veut dire qu'un de nos concitoyens épouse une étrangère (ou un étranger, mais c'est plus compliqué) en croyant son amour infini, avant de se rendre compte que sa douce conquête d'outre-frontière (et souvent d'outre-espace Shenghen) ne l'aimait pas pour son charme et son humour délicat, pas même pour ses performances sexuelles hors du commun, mais simplement pour sa carte d'identité et la perspective d'en obtenir une elle aussi.

C'est assez triste, au fond, comme histoire, et pour revenir à France2 et leur reportage, il est indéniable qu'ils ont su flairer le pathétique et le télégénique de la situation.

Imaginez : un homme marche, fier mais comme voûté sous le poids d'une indicible trahison. Il s'appelle Jacques (ou Pierre, ou René), la quarantaine banale, marié il y a deux ans à une marocaine (ou tunisienne, ou indienne, ou swahili) rencontrée sur Internet (ce qui exclut probablement la swahili de la liste des hypothèses). Ils s'aiment, elle vient en France, s'installe chez lui, ils se marient, trompettes et cotillons, félicité. Quelques mois (22) plus tard, c'est le drame : elle le quitte. Il se rend alors compte qu'il a été trompé, floué, volé de son amour par une profiteuse, et son coeur se brise en même temps qu'il s'ouvre aux caméras avides de nos chaînes publiques. Question du reporter : Mais vous l'aimez encore ? L'oeil humide et après un long silence émouvant, Jacques nous confie : Je crois que j'ignore avec qui j'ai vécu pendant ces 22 mois. Deuxième victime : Marcel, épousé puis quitté avec en prime des accusations de "violence conjuguale" alors que c'est pas vrai, il promet. Puis, l'expert : Bob, avocat spécialisé dans les divorces, d'expliquer que c'est assez difficile à prouver comme arnaque, et que donc finalement la seule solution c'est de divorcer, ce qui revient souvent à payer une pension alimentaire. Retour plateau, Pujadas enchaîne d'une voix monocorde et manifestement peu convaincue sur la liste des réactions de "l'opposition" à l'indignation du ministre pré-cité, réactions évidemment réduites à "bouh c'est vilain, bouh c'est un faux problème" pour éviter de poser le débat de manière trop intelligente complexe.

Je ne doute pas que d'autres reporters courageux se seront emparés de ce thème prometteur, et qu'il existe en France maints époux humiliés prêts à témoigner de la vilénie de ces hordes femelles (il est évident que le cas d'une épouse humiliée par un vil mâle existe aussi, mais je ne vais pas jongler avec les genre pendant douze ans), et je souhaite souligner le professionnalisme de ces journalistes qui emboîtent avec rigueur et pertinence le pas d'un ministre digne et sincère de notre belle République lorsqu'il bouscule les oppressants carcans de la pensée unique pour mettre en lumière un problème grave qui préoccupe nos contemporains. Merci messieurs, merci.

A ce stade de l'article, il me semble important de vous donner mon avis. C'est une décision certes unilatérale, mais vous m'autoriserez j'espère à estimer que sur mon blog il est légitime que j'exprime parfois mon opinion. Donc, qu'en pense-je ?

Rien.

Oui, rien. Ou du moins rien de plus que du mariage bleu, blanc, rouge, noir, vertical et parabolique. Qu'en guise de problème de société on nous a bricolé un fantasme d'époque, qui tombe à pic pour appuyer la politique anti-immigration du gouvernement et les craintes minables d'un bout de France bas-de-plafond pour qui les moeurs se délitent et que c'est important que le gouvernement intervienne pour revenir aux vraies valeurs.

D'abord, un mariage, c'est un mariage. C'est à dire l'union de deux personnes consentantes, devant une divinité quelconque, qu'elle s'appelle Allah, Notre Père ou Marianne. A ma connaissance, et à mon grand soulagement, on ne s'enquiert pas auprès des époux des raisons de leur consentement. "Claire, vous qui acceptez de prendre Bernard pour époux, sérieux, pourquoi ? Sa chevelure éclatante, sa tendresse, ses papiers ?". "Bernard, vous qui jurez amour et protection à Claire, c'est plutôt pour son père PDG, sa poitrine ma foi opulente, ou son identité nationale ?"

Au dela de l'indéniable fun que ces interrogations apporteraient à des cérémonies souvent très formelles et très communes, la mise en place d'une vérification des motivations conjugales me semble peu probable.

Ensuite, quand bien même on les vérifierait, ces motivations, en est-il de plus "justes", de plus "nobles" que d'autres ?

Que Jacques aille pécho une marocaine à son goût sur Internet, est-ce vraiment plus noble et plus juste que Djamilah qui séduit un français bon teint pour des papiers ? La détresse sentimentale ou sexuelle est-elle plus légitime que la détresse économique et sociale ? Peut-on, passées l'indignation et l'émotion d'une trahison, estimer plus pénible d'être trompé pour des papiers, ou de se taper deux ans de vie commune avec un quidam qu'on ne supporte pas pour avoir le droit de rester en France ?

Enfin, et pour revenir au fait que je ne pense "rien" du mariage gris, peut-on m'expliquer en quoi ce "problème" justifie l'intervention d'un ministre, une iniative nationale, et la collaboration enthousiaste de journalistes et commentateurs ? Pourquoi plus que celui du mariage motivé par l'intérêt financier ou la perspective d'un bout de gloire arraché à un époux célèbre ? Pourquoi plus que celui du mariage de raison parce qu'il est déraisonnable de conjuguer homosexualité et famille ?

Je mouline de la question rhétorique, la réponse est évidente : il y a des étrangers dedans. Les foules qui se massent à nos frontières comme autant d'épouvantails qui rabattent l'éléctorat de droite sale dans les filets UMP, on ne doit jamais, JAMAIS, les perdre de vue. Si s'essoufle la polémique sur les afghans expulsés, s'il n'est plus de Sangatte à démanteler ou de squatt à vider, il faut trouver d'autres drapeaux rouges à agiter devant les flippés du noir, de l'arabe ou du jaune. Et quoi de mieux qu'un cocktail moeurs/arnaque/bougnouls pour justifier les mesures d'oppression et de chasse à l'étranger.

Qu'Eric Besson ou quelques séides de la clique gouvernementale jonglent avec ces boules puantes, rien d'étonnant, la dignité républicaine de ces gens est aussi basse que leurs manoeuvres. Mais qu'une foule de commentateurs hument les effluves nauséabondes et se précipitent sur le festin comme autant de charognards sur un corps décomposé, c'est laid.

C'est laid, et à la grisaille de nos villes et du ciel automnal on peut ajouter celle, minable et dangereuse, du renoncement.

Puissions-nous épouser toutes les étrangères du monde pour noyer sous le nombre les abrutis.

mardi 17 novembre 2009

[Humeur] Pour vivre...

Samedi, mais c'est une manière comme une autre de commencer ma phrase, c'eut pu être un Jeudi que ça n'eut rien changé, je rentrais chez moi, marchant d'un pas allègre le long de la rue Oberkampf, quand je croisai soudain le boulevard Richard Lenoir et deux clochards. A ce moment précis, la chanson déversée dans mes oreilles par l'Ipod qui leur sert de paupière sonore s'achevait, ce qui me permit d'entendre un tout petit bout de leur dialogue , tandis que je leur jetai un oeil aussi hâtif que gêné. C'était l'un, qui disait à l'autre : "pour vivre...". La chanson de Weezer avant, le silence après, suspendu.

Ca n'a l'air de rien, ces deux mots et ces trois petits points, mais ça m'a plongé dans un abîme de perplexité, mêlée d'un peu de honte, comme à chaque fois que j'effleure sans le vouloir et à reculons l'extrême pauvreté. Perplexité parce que renvoyé à quelque chose que je n'avais jamais ni accepté, ni rejeté, simplement rangé dans un coin poussiéreux de mon encéphale : on peut être marginal, crasseux, affamé et à la rue, et vouloir vivre. Continuer.

Pourquoi vit-on ? Je n'entends pas régler ce problème philosophique millénaire en deux lignes d'un blog à la con, mais on peut lancer quelques hypothèses en vrac : pour construire quelque chose, parce qu'on a des projets, parce qu'on a pas fini la trente-septième saison des Feux de l'Amour. Ou bien parce qu'on a peur de la mort. Ou bien parce que c'est comme ça et qu'on ne sait pas quoi faire d'autre.

Mais quand on est dans la rue ? Quand on est seul, qu'on a froid ou faim ou peur en permanence ? Je ne sais pas ce que c'est, d'être dans la rue. Peut-être après un temps d'adaptation régénère-t-on les mêmes schémas qu'une vie normale : des aspirations, des choix, des espoirs et des déceptions. Ou peut-être survit-on sans lendemain, porté par l'hébétude et l'habitude. Aucune de ces alternatives n'est réellement accessible à ceux qui ne les vivent pas, je suppose. Mais malgré cette ignorance des choses, ce "pour vivre..." est plus poignant et pathétique que je ne le voudrais.

Je n'ose pas leur parler. Ils souffrent, je vais pas les emmerder avec mes interrogations de bourgeois qui culpabilise, me dis-je pour maquiller ma lâcheté. Ma lâcheté ? Ils me font peur parce qu'ils me font honte d'être là où ils ne sont pas. Honte d'avoir envie de les aider mais de ne jamais le faire. Tout le monde, tant de monde, les ignorent pour les mêmes raisons. Tout le monde ne les entend pas parler. Personne ne les voit vivre.

"Pour vivre...", sans le regard de personne ?

Merde.

[Blog] Know your enemy

Je me suis tout récemment lancé dans une entreprise qui à beaucoup, et en particulier ceux qui connaissent ma rigidité intellectuelle, paraitra excessive : j'envisage de comprendre ce que pensent les gens qui ne pensent pas comme moi.

Je ne vous le cache pas, c est une gageure, mais je dispose de quelques spécimens qui méritent examen et qui, par leurs positions extremistes et provocatrices me tendent avec une régularité de métronomes le miroir peu glorieux de mes propres dogmes.

L'objectif n'est pas ici de leur cracher au visage, de leur faire de la publicité encore moins, mais d'exposer la démarche qui me permettra, je l'espère, d'ouvrir mon coeur et mes chakras à d'autres vitalités cosmiques que la mienne.

Règle N°0 : Lire l'article de l'antagoniste en entier.
Règle N°1 : Comprendre ce que l'antagoniste a voulu dire.
Règle N°2 : Arrêter de l'insulter silencieusement et comprendre ce que l'antagoniste a voulu dire.
Règle N°3 : Ne pas prendre appui sur la première inexactitude pour brûler l'article entier.
Règle N°4 : Ne pas discréditer un argument incomplet : se renseigner.
Règle N°5 : Accepter qu'il puisse, parfois, avoir raison.

Les premières règles sont déjà mises en pratique, mais la dernière me donne du fil à retordre.

Auto-critique is a serious bizness.

[SANTACLAF] Taxation = c'est la vie

Parce que je sens qu'il s'agira d'un phénomène récurrent, et parce qu'il est dans l'air du temps de manier l'acronyme, j'introduis ici le SANTACLAF (pour Sujet Archivé Non Traité A Cause LA Flemme).

Pour le définir clairement, le SANTACLAF est un thème que je souhaiterais aborder ici, suite à une lecture/audition/sainte illumination, mais que je ne traite pas immédiatement -pour des raisons qui se résument souvent aux deux vocables "PAS" et "ENVIE"- et qui s'avère, un peu ou complètement, déconnecté de l'actualité immédiate.
Par exemple : la mort de Lady Di (c'est un exemple (même si tout le monde sait qu'il s'agit toujours d'un sujet d'une brûlante actualité)).

Afin d'illustrer de manière un peu plus limpide ce concept nébuleux, je vous soumets mon premier SANTACLAF : la taxe professionnelle. Pas encore périmé, mais plus tout à fait à la une (y a eu la main de Thierry Henry, entre temps), pile dans le tempo.

Avant d'aborder ce sujet sache, lecteur, que je me réveille dans les environs de 7h49 avec France Inter, où le vibrionnant Nicolas Demorand discute de sujets sérieux avec un invité, souvent sérieux (comprendre, un homme politique, un universitaire, et parfois un philosophe avec des pincettes). Ces débats susurrés dans mon oreille encore embrumée par les volutes nocturnes (l'image est malheureuse, mais je m'entraine aux combos de figures de style : ici, le métonymo-hadoken) me tourmentent souvent au point que je souhaite en parler ici, mais pas assez longtemps pour que le passage à l'acte soit régulier. Sache (ça fait beaucoup de choses à sacher, je te l'accorde) néanmoins que cette émission est une source inépuisable de SANTACLAF.

Bon, venons-en au fait. La taxe professionnelle est, merveilles du vocabulaire politique, une taxe acquittée par les professionnels, que nous appelerons désormais TP, pour faire cool ainsi que pour rendre hommage à Tony Parker. Au même titre que la taxe foncière (TF) et la taxe d'habitation (TH), elle est perçue par les collectivités locales, et non par l'Etat obèse que pourfend le libéral quand il a fini de compter ses poux. Grossièrement, toute entreprise disposant de locaux dans une commune, un département, une région, doit leur filer un montant proportionnel à son chiffre d'affaires et quelques autres heureux paramètres. Voilà le principe.

De son côté, l'entreprise, qui n'aime pas tellement qu'on lui pique des bouts de son chiffre d'affaires, proteste vigoureusement, et depuis longtemps, contre cet impôt inique, et pousse de toutes ses (maigres) forces pour qu'après maints allègements, dégrèvements, et autres trucs en "ments" qui veulent dire qu'elle paie moins, la taxe en question soit supprimée. Nicolas Sarkozy, dont l'oreille attentive n'est jamais loin des revendications de madame l'entreprise, a donc décidé de faire sauter cette taxe (inique, remember) au motif que bon, si l'entreprise le demande, elle doit bien avoir raison, sinon elle serait pas l'entreprise.

C'est à ce stade de l'Histoire qu'interviennent les deux interlocuteurs de Nicolas Demorand dans l'émission pré-citée, dont je n'avais pas retenu les noms ni les titres, et qui s'avèrent être Claude Bartolone (PDG de la Seine Saint Denis) et Eric Ciotti (PDG des Alpes Maritime). Je ne saurais retranscrire la totalité de leurs échanges, mais c'est l'envolée de l'un des deux (probablement Eric Ciotti, qui avait en tant que membre-géniteur nettement plus besoin de vendre la réforme que son compère) que je souhaiterais commenter. Non qu'il s'agisse d'une position iconoclaste qu'il faudrait souligner, mais plutôt parce qu'il résumait parfaitement le non-débat autour de cette décision.

L'homme expliquait donc que la taxe professionnelle allait libérer les entreprises du lourd fardeau qu'elle représentait, que ces entreprises allaient incidemment mieux se comporter financièrement, donc embaucher, donc filer indirectement des thunes aux collectivités locales qui non seulement y trouveront leur compte, mais même doublement puisqu'il ne faut pas oublier que le gouvernement s'engage à compenser la perte de revenus liée à la suppression de cette taxe par le versement de sommes équivalentes (dont l'origine, la nature, et la durée ne sont pas encore définies mais ne vous inquiétez pas, depuis quand ne fait-on plus confiance à son gouvernement ?).

Comprendre : c'est notre devoir d'aider les PME qui ploient sous le joug de l'impôt, elles iront mieux et on fera tous la teuf en se hurlant "win-win" au visage.

On a le droit de croire en sa bonne foi, même si le pari ne s'étaie pas tellement d'arguments (ça ira mieux, on vous le dit). En revanche, on peut regretter qu'un aspect du problème soit tenu sous silence sans éveiller la moindre protestation : cette taxe, elle servait à quoi, exactement ?

D'après ce qu'on sait, elle était perçue par les collectivités locales. Que prennent en charge les collectivités locales ? Les régions sont, je cite, "compétentes pour l'action et le développement économique, par exemple les infrastructures de transport et de communication, la formation professionnelle et l’entretien des lycées d’enseignement public.". Les départements, quant à eux, alignent la monnaie "pour l'action sanitaire et sociale, l'entretien de certaines voies routières, pour la protection civile et l'entretien des collèges d'enseignement public".

Par une élégante opération transitive, on peut donc en conclure que la taxe professionnelle finance les transports, la formation, et quelques autres vétilles locales.

Là, c'est mon tour de faire une hypothèse un peu risquée : je mettrais bien, sinon la main, quelques phalanges à couper que l'écrasante majorité des PME locales que l'on souhaite libérer du carcan soviétique du prélèvement obligatoire s'appuient vigoureusement sur l'aménagement du territoire et la formation locale. Que Toto le fabricant de boulons, ou Roger le développeur de logiciels de gestion logistique, sont ravis d'avoir une départementale bien entretenue pour faire rouler leurs camions, des ouvriers/employés alphabétisés et en bonne santé, et un niveau de vie suffisamment élevé pour ne pas risquer de se prendre une balle chaque fois qu'ils sortent avec bobonne dépenser leurs bénéfices au restaurant.

Voir l'impôt comme un vol, tout en considérant comme naturels et dûs les bénéfices structurels et sociaux qu'il finance, n'est-ce pas un peu paradoxal ?

Jean-Michel Apathie, qui n'est pas particulièrement de mes idoles, déclarait récemment sur le plateau du Grand Journal (Canal+), suite au débat courageusement lancé par E.Besson sur l'identité nationale, qu'un français, c'était quelqu'un qui payait ses impôts en France, au sens où il contribuait ainsi à l'effort national. Non que je souhaite étendre la définition aux entreprises, l'argent n'a pas plus de nationalité qu'il n'a d'odeur, mais n'interpréter l'intérêt d'investir/de s'implanter dans un pays qu'à l'aune de la fiscalité, c'est se foutre de la gueule du monde. Claironner que "les investisseurs vont s'en aller si on leur diminue pas leurs impôts", est une équation simpliste, trompeuse, qui revient à nier une quelconque supériorité des infrastructures françaises par rapport à celles, au hasard, de la Roumanie ou du Maroc. Et à force de la nier, et de tirer sur la corde en appauvrissant les collectivités qui entretiennent ces mêmes infrastructures, elle finira par se nier toute seule. Le chemin du développement n'est pas à sens unique.

Bref, cette faculté des "analystes" à évacuer le "rôle" de l'impôt pour n'en faire qu'un épouvantail à investissement me sidère, par sa légèreté intellectuelle, mais aussi et surtout par l'impunité dont elle bénéficie partout. Supprimer la taxe professionnelle, et faire comme si on ne supprimait pas dans la foulée ce qu'elle paie, c'est un peu comme télécharger des divx en considérant que ça ne peut pas nuire au cinéma. Pas sûr que ce soit la ligne directrice des ceux-là même qui ont signé son arrêt de mort.

Après, je peux me tromper.

[Polésie] Babel la vie

Bulle d'air, qui vole et qui éclate
Oxygène occident occinelle écarlate
Bulle d'eau, noyée dans le ciment
Qu'on étale, qu'on sèche, et le désert s'étend
Bulles d'eau, bulles d'air
Voyez venir les bulldozers.

[VNR] Vol au dessus d'un nid de gogols

J'ai essayé de rédiger un petit texte introductif plein d'élégance et de subtilité avant de vous soumettre cette vidéo, mais celle-ci est tellement, comment dire, brutale, que je crois qu'elle se suffit à elle-même.

Donc installez vous confortablement, prenez des pop-corns ou un pot de Chunky Monkey (amewican obese staïle), et ne nourrissez pas les animaux.

(clique sur l'image si tu veux voir ses congénères)

mercredi 4 novembre 2009

[Polis] Police partout, police nulle part

Comme vous pourrez le lire si vous creusez dans les abyssales profondeurs de ce blog, j'avais pris à son ouverture la résolution d'être régulier. Comme à ma triste habitude, cette belle décision aura duré le temps de la formuler, et guère plus, mais tenaillé par les scrupules j'ai néanmoins pris soin de noter les sujets que je souhaitais aborder.

J'avais par exemple noté dans un style sibyllin mais pertinent le thème suivant : "effectif police sécuritaire tarnac".

J'aurais pu publier la note telle quelle, ça vous aurait changé de ma loghorrée et elle se suffit à elle-même, mais où serait le plaisir ? Donc je développe.

D'abord, je voulais réagir à l'annonce de Brice Hortefeux de l'augmentation, prévue, des effectifs policiers en 2010. A l'heure où l'on dégraisse à tour de bras dans l'éducation, la justice ou la santé, j'avais trouvé là une fort belle occasion de vomir (voluptueusement) ma bile. Las, la lecture du Canard Enchainé de la semaine suivante m'apprenait qu'en réalité ces chiffres étaient bidon, et qu'ils ne tenaient compte ni de la transformation d'emplois en contrats précaires, ni des départs à retraite, et que soustraction faite, les effectifs baissaient.

Impossible donc de pérorer sur ce gouvernement qui privilégie financièrement le flic à l'instituteur. On pourrait en revanche largement s'étendre sur les raisons qui poussent nos ministres à bluffer sur la hausse du nombre de policiers tandis qu'ils revendiquent haut et fort les baisses d'effectif dans d'autres secteurs publics (cf ci-dessus).

Ensuite, je voulais réagir à cet article sur un blog sympathique (quoiqu'honteusement gauchiste) parce qu'il reprend la déclaration d'un syndicat de la police nationale (Alliance) qui me semble tout à fait édifiant.

Pour ceux qui ont la flemme de lire, il s'agit d'une réaction syndicaliste à la condamnation de deux policiers de La Courneuve, mis en examen pour violences lors des émeutes de 2005 où ils avaient été filmés en train de maraver du sauvageon. Condamnés à des peines équivalentes à deux emplois fictifs à la mairie de Paris (prison avec sursis + un an de suspension), ils ont bénéficié du soutien du syndicat susnommé par la voix d'un de ses membres, qui explique que certes, ce sont des violences, mais commises dans un climat de violence, donc bon, hein, on est tous humain n'est-ce pas, et qui termine par assurer que c'est avec ce genre de décisions qu'on démotive la police.

Je ne blâme pas ce monsieur, il est dans son rôle de défenseur de la corporation policière, même s'il est un peu triste que son analyse se limite à un (triste) constat au lieu d'identifier les causes profondes de cette violence. On pourrait certes trouver à redire sur l'idée que la police n'est motivée que tant que sa violence n'est pas contrôlé, mais je pense que l'important est ailleurs. Et, par exemple, dans le fait que le métier de policier se voit réduit au rôle suivant : répondre à la violence par la violence, ou plutôt répondre par la violence légitime à la violence criminelle, comme si elles étaient toutes deux de même nature.

On constatera d'ailleurs que c'est assez systématiquement le discours des policiers accusés de violences : c'est pas eux qui ont commencé. Comme s'il était normal que le flic réplique au délinquant (et, par égard pour notre belle institution policière, j'occulte les cas où le délinquant s'avère être un simple quidam un peu bronzé qui passait par là) comme deux gamins règlent leurs comptes dans une cour de récré.

On ne manque pas de périphrases pour désigner nos braves keufs : protection civile, maintien de l'ordre, représentans de l'ordre, personne ne modère ses efforts pour les habiller de lumière et de solennité, ce qui me semble cohérent avec la volonté de s'éloigner des logiques tribalo-miliciennes qui hantent nos JT et notre récent passé. La police n'est pas un faisceau ou un groupe d'auto-défense, elle est investit par l'Etat de la légitimité de la violence, et ce n'est pas un chèque en blanc. Elle doit en échange, elle DEVRAIT en échange disposer d'une maitrise et d'une modération dans cette violence qui justifie qu'elle en soit le dépositaire. En bref, que la violence soit à tout moment et en tout lieu un dernier recours, une extremité à laquelle aucun de ses membres n'aspire.

Ca, c'est pour le monde des bisounours. Dans la vraie vie, le policier est précaire, sous-formé, chauffé à blanc par des discours sécuritaires bourrés d'amalgames et de raccourcis, mis sous pression par une politique du chiffre diamétralement opposée à l'action réfléchie qui devrait être sa règle. Et ça ne va pas en s'arrangeant, si l'on en croit l'Hortefade citée un peu plus haut. Alors qu'une police civilisée, progressiste (non, je ne cherche pas l'oxymore provocatrice) devrait être composée d'éléments expérimentés et doués de recul sur leur propre rôle, on se dirige vers une foule de troufions incultes et violents qui cèdent aux mêmes pulsions que ceux qu'ils doivent contrôler et/ou protéger. Et qui masque ses propres insuffisances par le déni et la manipulation (les policiers condamnés pour les violences de La Courneuve le sont aussi pour faux en écriture).

Il me semble donc qu'à chercher ce qui pourrait démotiver la police de Seine-Saint-Denis, on puisse trouver plus grave et plus pertinent qu'une juste condamnation pour passage à tabac.

Enfin, et ce sera l'épilogue de cet article fleuve, je voulais revenir sur cette phénoménale affaire de Tarnac, qui si elle était baudruche serait en train de se gonfler "à l'envers". Après la phase de dégonflage, où nous passâmes du démantèlement d'un réseau terroriste à la simple garde-à-vue d'un couple vaguement anarchiste accusé de pas grand chose, les preuves abondent d'une grossière et pitoyable manipulation policière : les témoignages sont remis en cause, les pièces à conviction falsifiées, le savant édifice de cette affaire en carton branle de toutes parts.

Question : après s'être passionnés pour la sourde menace de l'ultra-gauche, puis pour le sort de Julien Coupat-l'intellectuel emprisonné, les médias daigneront-ils s'intéressés à la machine policière dans ce qu'elle a de plus kafkaïen, et dissèqueront-ils les rouages (et les responsabilités) de ce qu'on peut probablement qualifier de machination à l'encontre d'innocents politisés ?

Rien n'est moins sûr, évidemment.

mercredi 28 octobre 2009

[Blog] Avant-propos

D'habitude on se réserve jusqu'au Nouvel an pour prendre de bonnes résolutions. Mais outre qu'il ne me déplait pas d'esquiver ce pénible lieu commun, il serait dommage que je vous explicite trois mois après son lancement les quelques décisions qui fondent ce nouveau blog.

D'abord, j'ai décidé de me relire. Après mûre réflexion, j'estime incohérent d'apprécier (avec force publicité) le journalisme qui se donne le temps de penser, et de me livrer néanmoins à cette forme un peu méprisable de course à la réaction à chaud, dans la crainte de n'être plus pertinent parce que plus dans le feu de l'actualité. Si mon propos se périme aussi vite que les discours, gestes ou polémiques qui l'engendrent, alors il n'a pas plus de valeur qu'eux.

Ensuite, j'ai décidé d'être régulier. Non pour attirer le chaland ou saturer les serveurs Google, mais parce qu'écrire ce n'est pas tout à fait comme le vélo, ça se perd extrêmement vite. Par écrire je n'entends bien sûr pas le fait de former des mots avec des lettres, mais celui d'employer les mots justes, de s'exprimer avec clarté, et de transmettre autre chose qu'un ennui poli aux (nombreux) lecteurs qui s'aventureront ici. Il ne s'agit pas ici de promettre un quelconque standard de qualité, mais de signifier que mon amour-propre ne saurait supporter plus avant cette paresseuse déliquescence dans laquelle je trempe ma plume quand je n'ai plus de feu (mon ami Pierrot).

Enfin, j'ai décidé de ne plus sombrer, ou du moins de résister de toutes mes forces à leur vilaine attraction, dans l'ad hominem et le sophisme. Oh, la colère, le dégoût, la volonté de provoquer ou la simple maladresse me pousseront certainement à quelques vilains raccourcis ou sales occultations. Mais si je trolle, je tâcherai tout du moins de ne pas m'en faire un sacerdoce.

Voilà pour les grandes lignes. On verra dans quelques mois si les promesses sont tenues.

[Humeur] Prise de pouls

Les motifs d'indignation sont nombreux ces jours-ci. On reconduit l'afghan, on lance du débat qui pue, on revote à l'Assemblée quand le premier vote n'est pas comme il faut, et puis on se met sur la gueule entre supporters parisiens et marseillais, relançant par là-même l'inexorable moulin de l'indignation conne.

En plus, ma XBOX a claqué hier soir, et je suis contraint de m'occuper intelligemment, ce qui n'est pas sans m'effrayer : je ne sais plus tellement faire.

Vous vous imaginez bien qu'avec autant de raisons de hurler il y en a, de l'article en puissance, de la prose vener, du fiel et de la violence verbale qui m'irrigue le clavier. Sans exagérer, j'ai l'impression de pouvoir compter mes cheveux du premier au dernier sans avoir fini d'écrire tout ce que j'ai sur la vésicule biliaire (Comment ça, je triche ?). Mais je reste sec : quand il s'agit de concrétiser la bouillonnante frénésie de mes colères, je suis comme la décence dans une interview d'Eric Besson, absent.

En attendant de me faire la violence nécessaire à l'accouchement de ces articles qui, j'en suis sûr, vous tiennent déjà en haleine, je tease.

mardi 27 octobre 2009

[Blog] Test de test de test

Lalalalalililililulilil

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Polésie introductive

Le tréteau qu'un orchestre emphatique secoue
Grince sous les grands pieds du maigre baladin
Qui harangue non sans finesse et sans dédain
Les badauds piétinant devant lui dans la boue.

Le plâtre de son front et le fard de sa joue
Font merveille. Il pérore et se tait tout soudain,
Reçoit des coups de pieds au derrière, badin,
Baise au cou sa commère énorme, et fait la roue.

Ses boniments, de coeur et d'âme approuvons-les.
Son court pourpoint de toile à fleurs et ses mollets
Tournants jusqu'à l'abus valent que l'on s'arrête.

Mais ce qu'il sied à tous d'admirer, c'est surtout
Cette perruque d'où se dresse sur la tête,
Preste, une queue avec un papillon au bout.

Le pitre, Paul Verlaine