lundi 16 juin 2014

La grève déraille


Ainsi twittait ce lundi matin Jean-Michel Aphatie, glorieux héraut du bon sens populaire, et docte professeur du principe médiatique qui veut qu’on consacre toute son énergie à chiffrer les perturbations d’une grève plutôt qu’à en déchiffrer les causes. « Incompréhensible », quand même, dont Le Larousse nous rappelle qu'il désigne quelque chose qu’il est impossible ou très difficile de comprendreà quoi on ne trouve pas d’explicationdont on ne décèle pas les mobiles. « Incompréhensible », un mot qui vous range immédiatement dans les rangs des phénomènes psychotiques ou paranormaux, dans la même rubrique que la tuerie de Columbine, les films de David Lynch ou le succès de Tal. Un truc obscur, un peu louche et qu'il est vain d'éclaircir.

Et pourtant, Jean-Michel Aphatie (ou toi, là-bas, qui pense la même chose que lui en remplaçant peut-être les kilomètres de bouchons par les minutes d’attente sur un quai de gare), si je ne peux pas me prononcer sur Lynch, Tal ou Columbine, je t’assure que comprendre les motifs et enjeux de la grève des cheminots est accessible au plus grand nombre. Ce n’est pas nécessairement simple, c’est vrai, ça ne tient pas forcément en 140 caractères, ça nécessite de se renseigner, et de se pencher sur des enjeux qui ne nous sont pas immédiats, mais quelques esprits facétieux pourraient rappeler que restituer la complexité au plus grand nombre, à « beaucoup », c’est justement le rôle des journalistes, profession que Jean-Michel Aphatie exerçait, il me semble,  jusqu'à sa reconversion en statisticien du trafic routier francilien.

Montrons-nous compréhensifs devant l'harassant labeur que représente la vérification comptable (deux fois plus, seulement ?) - car la déontologie l'exige - de la distance de bouchons annoncée ce matin, et profitons de la grosse quinzaine d'heure que représente celle-ci pour un marathonien comme Jean-Mimi pour lui mâcher le boulot et répondre à cette incompréhension qui, n'en doutons pas, le meurtrit.

De quoi on parle ?

Les syndicats CGT et Sud-Rail  (qui représentent plus de la moitié des salariés de la SNCF) ont appelés le 10/06, et elle est reconduite chaque jour depuis lors. 

La grève dure donc depuis 5 jours, un quart de mois et - précisons-le à l'attention de Guillaume Pépy et son équipe de communicants qui répètent à tour de bras que la baisse régulière du nombre de grévistes est le signe de son caractère minoritaire - un quart de mois sans salaire, ce qui en général se fait sentir dans vos finances quand vous n'êtes pas assez brillants pour vous négocier des stock-options.

Les grévistes protestent contre le projet de loi de réforme du système ferroviaire (clique et lis, Jean-Michel), proposé par le gouvernement et en examen prochain (mardi) à l’Assemblée Nationale, qui prévoit en particulier la « réunification » des entités SNCF (qui transporte) et RFF (Reseaux Ferrés de France, qui gère l’infrastructure) séparées depuis 1997.

Le contexte serait incomplet si l'on ne précisait pas - c'est souvent tellement évident qu'on oublie de nous le signaler - que cette réforme est chaleureusement soutenue par la direction de la SNCF (en plus du gouvernement), qui aura donc tout avantage à décrédibiliser les revendications des  grévistes pour s'éviter de pénibles négociations d'autant plus inutiles qu'on sait tous que les avis des salariés ne sont pas de ceux dont il convient de tenir compte quand on dirige une entreprise.

On concluera en signalant que la réponse du gouvernement et de la direction de la SNCF à la grève est, jusqu'ici et en se débarrassant du vernis de politesse dont on apprend souvent à enrober les pires grossièretés quand on est haut-fonctionnaire  : allez vous faire foutre, vous vous fatiguerez avant nous.

Raté.

Mais pourquoi la grève ?

Les syndicats s’opposent à la réforme pour plusieurs raisons, détaillées et rédigées ici (par exemple, mais il y  a des centaines d'articles du Figaro à l'Huma qui reviennent dessus), dans un langage au moins aussi compréhensible que la moyenne des interviews ministérielles récentes (sur RTL, par exemple).

En gros, on peut signaler deux problèmes (je simplifie outrageusement, votre temps et mon niveau de compréhension des enjeux détaillés sont limités):

#1 : Une réunification en forme d'usine à gaz (à trois on pète ton EPIC de France)

La réforme prévoit la réunion des deux entités (SNCF et RFF) actuellement disjointes. Les syndicats, eux, souhaitent la réunification des deux entités actuellement disjointes.  MAIS ILS SONT CONS LES SYNDICATS, me diras-tu en écho à Jean-Michel Aphatie qui n’aime rien tant qu’à prendre en défaut ces parasites de syndicalistes qui ne pensent qu’à sacrifier des journées de salaire pour chanter des chansons et manger des merguez dans les rues de nos jolies villes (en général loin d'RTL).

Plus sérieusement, la réforme prévoit de réunir SNCF et RFF sous l’égide d’une troisième entité, un EPIC (Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial) mère, qui chaperonnerait ses deux EPIC filles SNCF Mobilité (la SNCF) et SNCF Réseaux (RFF). C’est joli, ça sonne familial (même si cette histoire de mère célibataire pourrait froisser la Manif pour Tous), et surtout ça ressemble pour les syndicats à une usine à gaz administrative (trois EPIC = trois entités juridiques, trois comités de direction, trois entreprises...différentes) qui permettra de diluer et de diviser l'influence syndicale (= le pouvoir des salariés, rappelons-le au kazoo à défaut de clarinette), voire de remettre en question le statut de cheminot qu'ils défendent bec et ongles.

#2 : Une gestion floue (donc inquiétante) de la dette

L'un des principaux problèmes auquel est censé remédier cette réforme est celui de la dette des entités SNCF et RFF, qui est abyssale depuis les lourds investissements consentis pour mettre en place des TGV un peu partout. Cette dette, qu'on appelle "dette" parce que c'est devenu vilain de dépenser des sous pour les services publics, mais qu'on appelle parfois "allègement de charges" ou "fonds de soutien aux banques" quand il s'agit de filer du pognon aux gens qui le méritent (parce qu'ils en ont), doit être remboursée et pour ça, il faut faire des économies. C'est en gros ce que dit le projet de loi. Oui, c'est tout, des gens très brillants se réunissent pour écrire des lois qui expliquent que pour rembourser une dette, il faut moins dépenser. Au moins ça, Jean-Michel Aphatie comprend, surtout que c'est pas ses sous.

Et parce que c'est très flou, les syndicats soupçonnent que le principe de "faire des économies" se réalisera essentiellement aux dépens des cheminots ET DES USAGERS (donc toi, sur ton quai de gare), faisant progressivement de la SNCF une entreprise "comme les autres", et des cheminots des salariés précaires "comme les autres",  prêts à accueillir les bras ouverts (s'ils ne les ont pas vendus pour payer leur loyer) en 2019 une concurrence "libre et non faussée" chère à Bruxelles.

Ces deux principales revendications/inquiétudes, auxquelles s'ajoutent quelques autres, sont celles de salariés inquiets de l'avenir de leur (leur, autant que celle de Guillaume Pépy) entreprise, inquiets de sa stratégie à moyen terme , et elles sont respectables. Et compréhensibles. Et légitimes. Même quand on estime la réforme gouvernementale juste et pertinente (ma religion n'est pas faite sur ce sujet), on ne peut pas se satisfaire du mépris adressé aux revendications de ceux qu'elle touche en premier lieu.

En premier lieu seulement, parce que ces revendications visent aussi, on l'oublie, à défendre le rôle de service public du train en France, et à questionner la stratégie à long-terme de nos décideurs sur des sujets qui nous concernent : l'écologie (quid du frêt pour avoir moins de camion sur les routes ?), l'aménagement du territoire (que deviendront les petites gares de province quand la SNCF sera une entreprise régie par la rentabilité ?),...

On peut donc répéter que la grève est absurde,  on peut se contenter d'une "information" qui consiste à interroger des mécontents "pris en otage" et des experts prompts à caricaturer les grévistes en égoïstes défenseurs de "privilèges" bien moindres que les leurs. On peut se laisser bercer par les marchands de sable qui nous chantonnent que c'est trop compliqué, pardon, "incompréhensible", pour nous.

On peut aussi se faire un avis avant de hurler avec les loups.
(et vous ferez pareil pour les intermittents, vous serez sympas)

vendredi 3 mai 2013

05/05

C'est un aveu qui me coûte, de ceux qu'on ne fait qu'allongé bien au chaud dans la confidentialité et le divan de cuir d'un psychothérapeute, mais je crois que je n'aime plus Jean-Luc Mélenchon.

Non qu'il s'agisse d'une rupture brutale, d'une crise conjugale finissant dans le sang et les débris, prends tes affaires et dégage je ne veux plus jamais te voir tu me dégoûtes, je suis globalement inapte aux psychodrames passionnels. C'est venu doucement, paisiblement, comme une fleur qui s'étiole et qu'on trouve moins belle. 

Parce qu'il était beau, Jean-Luc, avec ses harangues et ses poings serrés, et les tartes aux journalistes idiots qu'il distribuait avec cette vigueur infinie des prophètes habités par la mission divine (où Dieu serait Fidel Castro et l'Eden un goulag, je remercie Jean Quatremer de l'avoir précisé). Il était digne aussi, arc-bouté sur son discours rageur, sur ses indignations de fond ravalées au rang d'amusantes vociférations par un système qui ne veut pas les entendre, habité de cette énergie perpétuelle qu'il opposait à l'indifférence, à la résignation, à la bêtise. C'était l'époque où l'on voyait le courage avant la cravate.

Et puis progressivement ça lui a plu, cette posture d'indigné brutal, de tribun éclatant dont on retient les formules et plus tellement les idées, et qu'on invite pour divertir la ménagère entre deux tournées promotionnelles d'un comique à la mode, d'un acteur à la mode, qui lui taperont dans le dos pour mieux le salir, pour le rendre comme eux, con, satisfait, creux. Bien sûr il dit que c'est voulu, que c'est une stratégie, mais je ne suis pas dupe, Jean-Luc, je vois bien que t'es pas plus fort que le système, que t'es pas suffisamment costaud tout seul pour résister à cette machine à broyer le discours pour en faire de la purée communicante, de la novlangue lobotomisante, à cette machine à transformer la passion en orgueil et la conviction en fatuité. 

Alors je ne t'aime plus, plus vraiment, j'en ai marre de te défendre contre toi-même et de justifier tes conneries pour sauver le fond de ta pensée auprès des gens qui doutent de toi. Je ne te pardonne plus tout, et la distance critique rend l'amour insincère. 

Du coup, maintenant je t'écoute avant de te croire, et je pense avant d'être d'accord. Mais ça ne m'empêche pas de penser souvent comme toi. et comme je ne suis plus prisonnier de ta défense systématique, c'est   d'autant plus facile d'entendre l'homme politique en laissant de côté le trublion. 

Et pendant que le trublion sortait son balai, l'homme politique a appelé il y a quelques semaines à un rassemblement le 5 mai, à "une marche citoyenne pour une VIème République et contre l'austérité". Bon, je t'avoue que je m'en fous un peu de ta Sixième République, de tes appels à l'Histoire et de tes majuscules. Plus exactement je pense que c'est trop tôt, et pas le moment pour discuter d'institutions, et que ta volonté de ré-impliquer le quidam dans le jeu politique n'a aucune chance de passer par le sanibroyeur des médias mainstream sans être transformée en machin politicien qu'il n'entendra pas. On en appelle aux citoyens quand on a nourri les hommes et femmes qu'ils sont, tu prends la pyramide de Maslow à l'envers.

Contre l'austérité, par contre, et plus généralement contre cette politique du renoncement, de l'invocation perpétuelle de règles économiques qui seraient immuables et indiscutables, les entreprises font la croissance, la fiscalité est un poids, la flexibilité c'est indispensable, contre le tapis rouge déroulé à la doxa néo-libérale qu'on applique sans nuance depuis quinze ans sans jamais s'interroger sur son bien-fondé, là je veux bien marcher. Et pour qu'on ne me reproche pas de marcher contre, et d'être dans la contestation, je vais marcher pour la sauvegarde des services publics, pour la taxation des pigeons millionnaires qui voudraient qu'on finance les études de leurs enfants avec l'argent des autres, pour un SMIC européen qui empêchera ce dumping salarial intra-UE qu'on ne gagnera jamais face à la Chine, au Bangladesh et à leurs usines mortifères, pour les 35h, voire les 32, voire les 25h de travail hebdomadaire puisqu'il y a 5 millions de chômeurs et cent fois plus d'heures supplémentaires payées chaque année, pour le droit du travail, pour qu'on laisse tranquille les sans-papiers, les musulmans, les homosexuels, que ceux qui vivent en France y restent parce qu'on y est bien et pas parce que les impôts y sont moindres ou qu'ils ont échappé à la police des frontières.

J'irai marcher malgré ton mot d'ordre confus, malgré ton "coup de balai" un peu con, parce que je crois qu'on croie aux mêmes choses, et qu'on dénonce les mêmes solutions que ce gouvernement applique à l'identique du précédent passés les beaux discours et les symboles sociétaux. Et je marcherai d'autant plus quand je vois ces tartuffes de socialistes tortiller du cul devant ton "coup de balai" et expliquer la bouche en cul (oui ça fait beaucoup de culs) de poule qu'ils ne viendront pas parce qu'ils sont d'accord avec le fond mais pas avec la forme. Pardonnez-moi monsieur Jean Moulin, on voudrait bien vous aider à résister mais on aime pas trop comment vous parlez aux allemands, et je godwin pour ne pas faire plus brutal.

Ça fait vingt ans qu'ils barbotent dans un parti qui fait l'inverse de ce qu'ils disent, de ce qu'ils pensent, et ils se réfugient derrière des pudeurs de jeunes filles pour sauver les apparences, un fauteuil, ou je ne sais quoi. Je ne vous comprends pas, socialistes  Emmanuel Maurel, Jérome Guedj, Gérard Filoche, vous avez un cerveau et des tripes avant une carte de parti, me semble-t-il, et si vous changiez les choses de l'intérieur ça se saurait, votre aile gauche ne bat pas plus que celle d'un papillon. Et on n'a plus le temps d'attendre la tornade.

J'irai marcher, et il fera moche, et on sera douze, mais nous on aura la conscience tranquille.

vendredi 19 avril 2013

Civis pacem, para bellum

"21 avril. C'est donc la date qu'ils ont choisi pour leur prochain défilé, et c'est peu dire que le symbole leur va bien.

Voilà comment, l’œil vitreux et le sourcil froncé comme le printemps, je commençais cet article véhément (voire furibond (voire véner, disons-le)) et puis je me suis dit qu'en guise de premier bourgeon pour la renaissance (printanière) de ce blog, il y avait moins laid qu'une énième dénonciation des (Béatrice) bourges du Printemps Français.
(c'est bon t'as compris l'analogie printemps/Printemps, ou t'as trouvé ça lourd ?)


Mais je me rends compte que sur le sujet je suis sec. Je voudrais bien défendre le droit des homosexuels à vivre comme ils l'entendent, y compris et s'ils y tiennent en passant six mois de leur vie à stresser sur le plan de table et la température des huîtres pour le buffet-d'après-la-Mairie, mais il parait qu'il ne s'agit pas de ça. Qu'il s'agit de la Famille, qu'il s'agit des Valeurs, et de la Civilisation, et ça c'est quand même des grands mots devant lesquels on ne prend pas la parole à tort et à travers, comme ça, à la pause déjeuner. Pourtant moi aussi j'aime bien les grands mots, je leur colle des majuscules plus souvent qu'à mon tour, la Justice, la Morale, la République, mais la Civilisation, voilà, ça m'intimide. Ça contient tout, la Civilisation. La Religion ? Ouais. L'Histoire ? Pareil. La Science ? Toutes les sciences ? Ouais. La podologie ? La toxicologie ? La numérologie, l'astrologie, la démagogie ? Ouais. Le foie gras et les chips, les LEGO, Radiohead, les bi-bops, le SIDA, la Joconde, les liftings, le foot, les hélicoptères, la file d'attente, les Lolcats, cherche pas, tout ça c'est de la Civilisation. Alors quand des gens sont prêts à affronter avec des poussettes et des costumes chelous les SS et leurs bombes de Zyklon B pour la défendre, faut pas dire n'importe quoi, faut respecter.

Faut les respecter, ces jeunes, ces familles, ces vieux, qui ont toujours rêvé d'être des révoltés, des insurgés, des révolutionnaires, de ceux qui foulent au pied les dogmes bien-pensants et les pavés qui recouvrent la plage, de ceux qui montent sur les barricades le sein et les cheveux au vent pour clamer qu'Ils Ne Passeront Pas, tous ces communards en puissance qui rongeaient leur frein et trompaient leur destin contrarié en jouant avec les oxymores (j'aurais voulu mentionner l'inénarrable site www.lesrevolutionnaires.fr lancé par les Jeunes Pop' à l'époque mais le nom de domaine a semble-t-il et avec un génial à-propos été repris par un marchand de...chaussures. Des ballerines, peut-être.), des lipdubs hippies et des chansons de Michel Sardou, voilà qu'enfin on leur donne l'occasion de vivre sans procuration ces épopées libertaires qu'ils lorgnaient avec envie en 68, peut-être en 2002, ces foules denses et révoltées, joyeuses et déterminées, qui chantent, qui rient, qui s'embrassent et parfois même avant le mariage, l'occasion de se sentir actifs, bouillonnants, vivants, ce qui s'apprécie doublement quand on reçoit deux fois par semaines dans sa villa de Neuilly des prospectus de conventions obsèques.

Bref, les jeunes qui écoutent Tryo en fumant des pétards se sont sentis revivre avec "Indignez-vous", c'est au tour de la vieille France de se voir pousser des ailes à coups d'éditos du Point. On peut, avec le soutien de cette jolie "charité chrétienne" que les bigots oublient plus souvent qu'à leur tour, s'émouvoir en observant ces hommes et femmes, perpétuellement du côté du manche, se donner des coups de pelle de leur propre appareil répressif (moral - les médias, et physique - les CRS) pour se sentir exister. Il faut voir ces députés UMP qui ont toujours voté la police contre la rue, les élites contre le peuple, faire le coup de poing a l'assemblée nationale comme s'ils défendaient rien moins que le sens de leur vie. Il faut entendre les points Godwin, les "assassinats d'enfants", la dénonciation d'une violence d'Etat, d'une dictature, chez ceux qui il y a 50 ans pestaient contre "la chienlit". Le creux s'habille d'outrances pour mieux se dissimuler, et nous n'avons jamais vu un tel abîme.

Mais après la pitié l'émotion, la crainte. Parce qu'on peut légitimement s'effrayer de la violence, essentiellement verbale pour l'instant, mais c'est toujours comme ça que ça commence, dont ils font preuve dès lors qu'on ne brosse pas leurs intuitions dans le sens du poil, dès lors qu'on touche à leur confort moral, pardon, leurs valeurs. Et mesurer ce qu'il faudra de volonté et de souffle pour les convaincre qu'il est moins grave que deux hommes convolent plutôt, excuse my french, que quelques centaines de milliardaires enculent l'humanité.

Mais enfin l'été approche, le soleil brille, glissons si vous le voulez bien et avec volupté du bon côté des choses. L'optimisme voudrait qu'ils se lassent, d'abord parce que le sujet reste trivial quoi qu'ils en disent, et qu'entrer dans la Résistance contre un Mariage, fut-il Pour Tous, c'est le meilleur moyen d'entrer en fanfare dans la postérité des ridicules. On peut aussi espérer que s'impose à eux l'évidence, celle qui sapera leur combat et qui aurait dû même le saper dès ses prémices : les homosexuels existent, ils sont partout, peut être même dans l'enfant (c'est une figure de style) en poussette qu'ils traînent à la #ManifPourTous pour grossir les statistiques. Et que comme pour les femmes et les noirs avant eux l'Histoire aplanira ces conneries, parce que la tolérance et la paix sont, bien avant la famille hétéro-parentale, les conditions de la Civilisation avec un grand C et un petit sourire moqueur à l'encontre des excitations passagères.