mardi 20 juillet 2010

Pontifions sur la littérature

Hier, j'ai lu Amélie Nothomb. "Mercure", pour être plus précis. Ca ne m'a pas beaucoup plu, et je suis sympa de me contenter d'une litote. En revanche, ça m'a fait réfléchir à ce que j'attendais d'un roman, à ce que j'en retenais. Je crois avoir assez récemment évolué dans mon rapport à l'oeuvre littéraire, pour diverses raisons : là où je n'accrochais qu'aux histoires et - un peu - au style, mes attentes sont aujourd'hui différentes, plus complexes, tellement complexes d'ailleurs qu'une flemme sordide m'interdit de vous les lister.

En revanche, je suis en accord parfait avec les lignes qui suivent, et qui gagneraient à être lues, au hasard, par une certaine Amélie.

"La science explique le monde, elle répond aux questions. Elle veut savoir. La littérature veut s'étonner. Elle est à base d'éblouissement. Elle ne répond pas, elle questionne. Elle prend plaisir à ne pas comprendre, comme un enfant devant le prestidigitateur. Elle est en état de fascination. Le poète aime mieux être ébloui que renseigné. Ce qui la passionne, ce n'est pas le pourquoi, c'est le comment. Comment les choses se passent. Car on n'y comprend rien. On s'y trouve tellement habitué qu'elles paraissent toutes naturelles. Mais arrêtez-les une seconde. Ou regardez-les passer en restant immobile, et vous n'y comprendrez plus rien. Un instant d'attention et tout devient un mystère.(…) C'est la tâche de la littérature de rendre ce mystère des choses. Elle a pour rôle de faire le portrait de l'indicible."
Alexandre Vialatte, "Et c'est ainsi qu'Allah est grand".

jeudi 15 juillet 2010

vendredi 9 juillet 2010

Is it Woerth it ?

L'affaire Woerth, donc. S'il n'y avait Paul le poulpe et la chaleur écrasante qui fait défaillir les voyageurs du RER, on ne parlerait que de ça, et quelle meilleure occasion de rompre un long silence que de faire comme tout le monde.

Des évènements, des présomptions et des démarches judiciaires en cours, je ne pense pas encore grand chose. Luttant contre mon naturel de bouffeur d'UMPistes, je laisse l'écheveau se dénouer avant de les lâcher (ris, s'il te plait), et c'est une prudence qui m'honore, je te remercie de me le faire remarquer. Il est évident que si les faits s'avèrent, il s'agira du plus gros scandale politique de la décennie, d'autant plus gros qu'il ne surprendrait finalement personne. Que ceux qui doutent des collusions entre les grosses fortunes françaises et cette droite décomplexée ouvrent Le Figaro (de Serge Dassault, milliardaire et sénateur UMP) ou allument TF1 (propriété de Martin Bouygues, copain de). Mais quand bien même cette histoire ferait pschiiiiit, elle reste édifiante à plus d'un titre.

D'abord, mais c'est devenu un tel classique qu'il faut des yeux d'enfants pour s'en émerveiller encore, c'est l'occasion d'un défilé de pitres comme on n'en voit guère en dehors des talk-shows de foot et du carnaval de Rio. Frédéric "Zola" Lefebvre, Nadine Morano, Christian Estrosi, les lames les plus émoussées du sarkozysme volettent en escadrille de médias en médias pour nous asséner leurs vérités pré-mâchées au Château (c'est assez dur à dire, "pré-mâchées au Château", essayez pour voir). Ca dit n'importe quoi en fronçant les sourcils, ça insulte et ça serre les dents pour "défendre la démocratie" et écarter le spectre des "heures les plus sombres de notre histoire", c'est mignon comme tout. Moins que leurs péroraisons, d'une affligeante banalité si l'on a suivi les polémiques marquantes de ces derniers mois (Hortefeux et ses auvergnats, par exemple), le plus étonnant reste qu'on les reçoive encore comme "politiques", et non comme bouffons. D'autant que l'air est à l'orage pour les humoristes...

Mais au delà du casting, prestigieux comme une nuit des Restos du Coeur, c'est la méthode qui retient l'attention : dans la presse, à la radio, à la télévision, et même à l'assemblée, c'est en chœur que nos ardents défenseurs d'Eric Woerth entonnent les "éléments de langage" conçus par le capo (merci de comprendre "capo" comme les leaders des ultras dans les tribunes des stades, et non comme un hommage à Benito). Oncques ne vit une telle harmonie, une si belle chorale, un plus bel orchestre : c'est comme si les mots de l'un sortait de la bouche de l'autre, et inversement. Morano dénonce les médias "trotskistes d'extrême droite" (bien joué Nadine), Lefevbre, lui, pourfend "les médias aux relents d'extrême droite et de trotskisme mêlés". Xavier Bertrand brandit la présomption d'innocence, Estrosi et Fillon brandissent la présomption d'innocence. "C'est la réforme des retraites qui est visée", "il n'y a aucune preuve", "la comptable est une mythomane", "Eric Woerth est un honnête homme, la preuve il est chauve", chaque argument (et dieu sait que je les honore en daignant élever au rang d'arguments leurs hennissements) donne lieu à un canon repris par tout ce que l'UMP compte de cadors.

Ça pourrait me faire rire, mais je ressens comme un malaise devant cette bande de chiens d'attaque en vestes et tailleurs, jappant comme un seul berger allemand (NON JE NE GODWIN PAS, Hitler était peintre, de toute façon) les consignes de l'Élysée, saturant les ondes, bouffant le temps de parole, rognant l'espace déjà maigre du débat médiatique pour n'y laisser que les cendres de leurs polémiques et de leurs contre-feux. Un malaise parce que je me demande quelle résistance on peut développer contre ce rouleau compresseur idéologique, contre les coups de boutoir de ces Attilas du cerveau qui finissent par étouffer toute pensée en martelant frénétiquement leurs grosses caisses. Et pour un qui y résiste, combien finissent par succomber à ce refrain à force de répétition, comme on finit par siffloter une chanson qu'on n'aime pas ?

Un malaise également parce que ces individus, qui représentent électoralement (pour la plupart) une majorité (hé oui) de la population française, ne font finalement preuve d'aucun libre-arbitre, se contentant de faire résonner la pensée d'un autre, automates du déni et de la provocation serinant le même disque jusqu'à ce qu'on leur change. Comment ces ministres, ces députés, ces maires, ces politiques poussés (au moins à leur début) par une volonté d'influer sur les choses peuvent-ils se résoudre à abandonner leurs voix, c'est à dire la seule chose par laquelle ils existent, à quelqu'un d'autre ? Comment, et pourquoi, peut-on choisir de renoncer à toute idée propre, à toute parole originale, pour se dissoudre dans une meute de roquets qui ne leurrent plus personne ?

J'ai beaucoup de mal à me l'expliquer, mais je crains que la réponse ne me fasse, cette fois, godwiner pour de bon.