lundi 18 octobre 2010

De la pédagogie des masses



Wikipédia : "La pédagogie est, étymologiquement, l'action de "conduire les enfants", du grec PAIDAGÔGIA"


Après maints billets vengeurs, énervés, et pour tout dire un peu grossiers, je pouvais donner l'impression d'un semblant d'exaspération, et je tiens à m'en excuser, nous vivons dans un monde suffisamment pénible pour n'y point verser quelques gouttes supplémentaires d'acrimonie. Si tous ces blogueurs, plutôt que de râler, s'efforçait de ré-enchanter le monde en parlant des jolies choses, comme le fait avec talent notre bon Jean-Pierre Pernaud, il ne fait aucun doute qu'internet ne serait pas ce repaire de nazis pédophiles voleurs qu'il est devenu.

C'est pour ça qu'aujourd'hui, j'ai décidé de mettre de côté mon agressivité déplacée pour vous faire part d'une bonne nouvelle, fait dont la rareté justifiait à elle seule cette pesante introduction : le gouvernement nous a compris.

Quand je dis "nous", je suis bien conscient de m'emballer un peu, il n'est pas impossible que d'après les derniers décomptes policiers j'eus été seul à arpenter le boulevard Voltaire de République à Nation ce samedi. Et quand bien même nous fumes plusieurs, rien ne prouve que mes voisins de chaussée étaient là pour manifester quoique ce soit, il y a suffisamment de boutiques sur ce trajet pour expliquer la présence de bienveillants consommateurs. Mais peu importe mon nombre, la nouvelle n'en reste pas moins bonne : le gouvernement nous a compris.

Voyez-vous, j'étais persuadé d'être méprisé, moqué peut-être, ignoré en tout cas par un pouvoir indifférent à mes revendications et sourd à mes inquiétudes. Comme je me trompais ! Quel procès d'intention je leur faisais, à nos amis de l'UMP dont la bienveillance et l'ouverture sont pourtant si unanimement louées ! Ce que je prenais pour du mépris de caste n'était en réalité que l'attention patiente d'un parent regardant son enfant baver son petit pot en faisant des bulles plutôt que de l'avaler proprement comme une grande personne. J'ai un peu honte aujourd'hui d'avoir été si ingrat, d'autant qu'au lieu de me blâmer, nos généreux gouvernants poussent la dévouement jusqu'à s'accabler eux-mêmes de mes propres errements.

"Ah, comme nous avons manqué de pédagogie", nous disent-ils tous, meurtris dans leur chair par cette erreur qui coute à tant d'enfants la radieuse perspective d'une vie rangée dans un coquet pavillon du 92. Je ressens ces flagellations avec une compassion mêlée d'orgueil : nous sommes, peuple de France, bien chanceux d'avoir pour guides de tels modèles de probité, plus prompts à se flageller qu'à punir.

Je voudrais donc à mon tour m'excuser d'avoir si bassement douté d'eux. Douté de l'honnêteté d'Eric Woerth, douté de l'efficacité et de la justice de cette réforme défendue avec pugnacité par François Fillon, douté des motis réels de ces changements impulsés vigoureusement par Nicolas Sarkozy. A vous tous, députés de la majorité, je dis pardon, pardon d'avoir imaginé que vous votiez n'importe quoi pour complaire à vos chefs, qui sont nos chefs et que nous aimons, maintenant je le sais. A vous tous, portes-parole et prosélytes de l'UMP qui n'avez pourtant pas ménagé vos efforts pour nous convaincre que la réforme des retraites était nécessaire et juste et responsable, puisqu'elle était nécessaire et juste et responsable.

Pardon, en somme, de m'être cru suffisamment informé pour appréhender ses enjeux, et ainsi fondé à vous demander des comptes de vos choix. Il n'y a pas de choix. Il n'y a pas de citoyens. Il y a des élèves et des maîtres, des moutons et des bergers. Attends-t-on du mouton qu'il donne son avis sur le chemin du pâturage ? Non, et bienheureux est-il de ne voir peser sur ses frêles épaules duveteuses ni le poids des responsabilités, ni celui du destin.

Soyons raisonnables, taisons-nous et laissons travailler les gens sérieux.

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Regarde-toi dans une glace et fais comme elle : réfléchis.