Le soleil brillait sur le palais présidentiel de Tegucigalpa, dissipant ces nuages aussi grisâtres que malvenus en ce jour de triomphe. Monsieur le Ministre de l'Intérieur, je tenais à vous féliciter personnellement pour le succès éclatant de ces élections, le Honduras et la démocratie nous doivent beaucoup et vous n'êtes pas le moindre de ses créanciers. Merci Monsieur Micheletti, et même si vous ne l'êtes plus que pour quelques heures, Monsieur le Président. La situation fut gérée de main de maître et je dois reconnaître que votre sens politique brillant n'est pas pour rien dans l'excellent résultat d'aujourd'hui. Rappelez-moi, Monsieur le Ministre, les scores de nos amis Lobo et Santos. 55% pour Lobo du Parti National et 37% pour Santos du Parti Liberal. Anita, veuillez prendre en note : insister sur l'écart entre les deux candidats, et bien faire figurer les scores des candidats de gauche en grossissant l'échelle. Merci de faxer cette note aux directeurs des chaînes de télévision. Monsieur le Ministre, nous parlions chiffres, quelle est la participation ? Nous ne disposons pas encore des éléments définitifs, Monsieur , seulement d'estimations. Mais encore, dites, quelle est la tendance. Monsieur, s'empourpra le Ministre de l'Intérieur, nous n'avons aucune certitude sur la fiabilité de ces estimations, je recommande à votre Excellence de patienter jusqu'à ce que mes services aient recoupés les chiffres des différentes régions. Ne faites pas l'imbécile, dites-moi tout de suite ce que je vous demande avant que je ne sollicite un de vos collègues qui se montrera certainement plus diligent. Monsieur, ne le prenez pas sur ce ton, je souhaitais simplement vous préserver d'un souci négligeable en cette belle soirée électorale. Mes services faisaient état, il y a quelques minutes, d'une participation, mais je doute que soient pris en compte les régions du Nord, qui sont comme vous le savez toutes acquises à nos candidats, et qui ne manqueront pas d'élever le chiffre de 35% que nous obtenons pour l'instant. Monsieur, il est inconcevable que ce chiffre s'ébruite. Je vous demande un chiffre de 70%, peu ou prou, et je compte sur votre efficacité pour qu'il soit entouré de toute l'exactitude requise avant d'être communiqué aux médias et observateurs internationaux. Je serai peiné de constater votre incompétence alors que je n'ai guère d'erreurs à vous reprocher jusqu'ici. Bien Monsieur le Président, je vous demande de m'excuser de prendre congé aussi soudainement, mais je dois d'urgence contacter les préfets pour passer mes consignes et vous agréer, vous avez ma parole que la situation sera comme vous l'avez décrite d'ici minuit ce soir. Bien, je compte sur vous.
Le regard absorbé par le trafic intense du Boulevard Miraflores, le Président faisait l'inventaire des actions à entreprendre pour que la situation reste sous contrôle. Recommander au récent vainqueur de constituer un gouvernement d'union nationale, d'y intégrer Santos, quelques ministres en exercice, et offrir un maroquin de seconde zone à Zelaya. La culture, ou peut-être les transports. Il refusera, et ils pourraient tourner cela comme un refus du compromis et lui imputer, à lui et à son irresponsable rigidité, la responsabilité des évènements passés et à venir. Tout s'était déroulé comme prévu avec Zélaya, comme toujours avec ces abrutis de chavistes. Pourtant, quelques heures après sa destitution et son expulsion du pays, la précarité de la situation n'échappait à personne, et il avait fallu redoubler d'effort pour ne pas réduire à néant des mois de travail, et se discréditer auprès des grands industriels qui lui avait fait confiance. En particulier, les pressions de l'OEA et de ce connard de Chavez avaient failli réussir et imposer la restitution des pouvoirs au chef de l'Etat déchu, de jure qu'il disait dans les médias européens. Roberto de facto Michelleti avait pourtant fini par l'emporter.
Le téléphone sonna, sa secrétaire pris l'appel puis d'un air pénetré lui confia qu'il s'agissait de l'émissaire américain. Monsieur Shannon, énonca-t-il en prenant le combiné des mains d'Anita, quel bonheur. Que puis-je pour vous ? Je tenais à vous féliciter pour le succès de ces élections, dit l'émissaire américain d'un ton enjoué, et vous rappeler que les Etats-Unis d'Amérique appuieraient le gouvernement à venir de toute leurs forces. D'incommensurables forces que les vôtres, monsieur Shannon, et nous n'oublions pas que c'est votre amitié et votre détermination qui ont permis de rétablir le bon droit au Honduras. Nous vous devons notre liberté retrouvée, et c'est une dette qui ne s'oublie pas. Monsieur Micheletti, les ennemis de nos ennemis sont nos amis, et c'est un lien bien plus fort qu'une amitié de circonstances. Le communisme a reculé sous les coups de nos efforts conjoints, et je peux vous assurer que le Département d'Etat partage mon enthousiasme pour la période de prospérité et d'échange qui s'offre à nous désormais. J'espère vous reparler bientôt, à vous ainsi qu'à monsieur Lobo, de cette histoire de soja dont nous avions déjà discuté il y a quelques mois. Avec plaisir monsieur Shannon, nous vous recontacterons dès le gouvernement formé. Il raccrocha et son sourire s'effaça.
Les américains étaient des alliés gourmands, mais leur fidélité quand l'ONU et les instances internationales leur avaient tournés le dos s'était avérée indispensable. Sans leurs efforts diplomatiques, et sans leur parrainage, jamais l'accord de San José-Tegucigalpa n'aurait pu être signé. Zelaya avait fait preuve d'une confondante naïveté, et leur avait offert un blanc-seing parfait pour organiser les élections à leur guise. C'était le ministre de la Justice qui avait eu l'idée de proposer son retour au pouvoir, en posant comme unique condition la tenue d'une consultation du Congrès. Zelaya, ravi de voir son exigence principale acceptée sans discussion, ne s'était enquis d'aucune feuille de route ni d'aucun détail sur cette consultation, de telle sorte qu'ils avaient pu laisser trainer, avec la bienveillance des Yankis, jusqu'à l'élection et le triomphe d'aujourd'hui. La cour suprême, qui avait de toute façon invalidé la restitution de Zelaya, n'avait même pas eu besoin de monter au créneau puisque le Congrès ne s'était pas réuni. Il faudrait penser à surveiller le ministre de la Justice. Et le ministre de l'intérieur aussi, d'ailleurs. Celui-ci avait quant à lui suggérer la constitution d'un gouvernement d'Union Nationale. L'union, l'unité, la réconciliation étaient des notions fort côtées à l'étranger, et leur simple mention apaisait en général les vélléités de sanction de la part des démocraties mal lunées qui leur avaient fait des difficultés au début. En guise d'union nationale, il avait constitué, et c'était une gageure de le faire passer, un gouvernement sans le moindre ministre ni partisan de Zelaya. Une gageure. Un succès. Il aurait donné cher pour avoir cette merde en face de lui. Reclus dans son ambassade en état de siège, agitant ses petits bras impuissants alors qu'il décidait, lui, de la destinée hondurienne depuis cinq mois et qu'il allait laissé à Lobo un pays pacifié, apaisé, le golpe oublié et les affaires en marche.
20h. Les journalistes allaient bientôt arriver pour son allocution, préparée depuis des jours. Il avait laissé un blanc là où le nom du candidat devait apparaître, Lobo, Santos, quelle importance. Il essaya d'imaginer un instant les questions des journalistes. Monsieur le Président, pouvez-vous justifier la présence de soldats dans les bureaux de vote ? Monsieur le Président, que pensez-vous des rumeurs d'abstention massive évoquées dans le pays ? Monsieur le Président, la tenue de cette élection sous le contrôle de votre gouvernement n'est-elle pas en contradiction avec les accords signés fin octobre avec monsieur Zelaya ? Monsieur le Président, quelles sont vos relations avec le Département d'Etat américain ? Foutaises. Les seuls crétins qui auraient osé lui poser ces questions étaient en résidence surveillée et leurs journaux étaient fermés. On allait lui parler d'apaisement, de retour au fonctionnement normal des institutions, de victoire du peuple et de la démocratie, on allait solliciter son interprétation des bons résultats du Parti National, et sur la défaite de son parti. Il dirait qu'il était normal que le peuple se tourne vers un parti moins divisé, et que le parti Liberal payait les incohérences du gouvernement précédent et la situation de ces derniers mois que la population avait désavoués, dans un refus unanime des réformes socialistes pilotées par le Venezuela contre la souveraineté du Honduras. Il remercierait les observateurs internationaux et les émissaires étrangers pour leur aide et leur soutien, il tendrait la main aux partisans de Zelaya en s'appuyant sur la voix du peuple qui était limpide et en souhaitant bonne chance à Monsieur Porfirio Lobo, qui aurait beaucoup de travail mais qu'il estimait beaucoup.
Le téléphone sonna à nouveau. La télé, certainement. Il décrocha. Monsieur le Président. Monsieur le Ministre, comment vont nos affaires étrangères ? Mal, je le crains, Monsieur, le Quai d'Orsay ne reconnaît pas les résultats de l'élection d'aujourd'hui. Le Quai quoi ?
Le regard absorbé par le trafic intense du Boulevard Miraflores, le Président faisait l'inventaire des actions à entreprendre pour que la situation reste sous contrôle. Recommander au récent vainqueur de constituer un gouvernement d'union nationale, d'y intégrer Santos, quelques ministres en exercice, et offrir un maroquin de seconde zone à Zelaya. La culture, ou peut-être les transports. Il refusera, et ils pourraient tourner cela comme un refus du compromis et lui imputer, à lui et à son irresponsable rigidité, la responsabilité des évènements passés et à venir. Tout s'était déroulé comme prévu avec Zélaya, comme toujours avec ces abrutis de chavistes. Pourtant, quelques heures après sa destitution et son expulsion du pays, la précarité de la situation n'échappait à personne, et il avait fallu redoubler d'effort pour ne pas réduire à néant des mois de travail, et se discréditer auprès des grands industriels qui lui avait fait confiance. En particulier, les pressions de l'OEA et de ce connard de Chavez avaient failli réussir et imposer la restitution des pouvoirs au chef de l'Etat déchu, de jure qu'il disait dans les médias européens. Roberto de facto Michelleti avait pourtant fini par l'emporter.
Le téléphone sonna, sa secrétaire pris l'appel puis d'un air pénetré lui confia qu'il s'agissait de l'émissaire américain. Monsieur Shannon, énonca-t-il en prenant le combiné des mains d'Anita, quel bonheur. Que puis-je pour vous ? Je tenais à vous féliciter pour le succès de ces élections, dit l'émissaire américain d'un ton enjoué, et vous rappeler que les Etats-Unis d'Amérique appuieraient le gouvernement à venir de toute leurs forces. D'incommensurables forces que les vôtres, monsieur Shannon, et nous n'oublions pas que c'est votre amitié et votre détermination qui ont permis de rétablir le bon droit au Honduras. Nous vous devons notre liberté retrouvée, et c'est une dette qui ne s'oublie pas. Monsieur Micheletti, les ennemis de nos ennemis sont nos amis, et c'est un lien bien plus fort qu'une amitié de circonstances. Le communisme a reculé sous les coups de nos efforts conjoints, et je peux vous assurer que le Département d'Etat partage mon enthousiasme pour la période de prospérité et d'échange qui s'offre à nous désormais. J'espère vous reparler bientôt, à vous ainsi qu'à monsieur Lobo, de cette histoire de soja dont nous avions déjà discuté il y a quelques mois. Avec plaisir monsieur Shannon, nous vous recontacterons dès le gouvernement formé. Il raccrocha et son sourire s'effaça.
Les américains étaient des alliés gourmands, mais leur fidélité quand l'ONU et les instances internationales leur avaient tournés le dos s'était avérée indispensable. Sans leurs efforts diplomatiques, et sans leur parrainage, jamais l'accord de San José-Tegucigalpa n'aurait pu être signé. Zelaya avait fait preuve d'une confondante naïveté, et leur avait offert un blanc-seing parfait pour organiser les élections à leur guise. C'était le ministre de la Justice qui avait eu l'idée de proposer son retour au pouvoir, en posant comme unique condition la tenue d'une consultation du Congrès. Zelaya, ravi de voir son exigence principale acceptée sans discussion, ne s'était enquis d'aucune feuille de route ni d'aucun détail sur cette consultation, de telle sorte qu'ils avaient pu laisser trainer, avec la bienveillance des Yankis, jusqu'à l'élection et le triomphe d'aujourd'hui. La cour suprême, qui avait de toute façon invalidé la restitution de Zelaya, n'avait même pas eu besoin de monter au créneau puisque le Congrès ne s'était pas réuni. Il faudrait penser à surveiller le ministre de la Justice. Et le ministre de l'intérieur aussi, d'ailleurs. Celui-ci avait quant à lui suggérer la constitution d'un gouvernement d'Union Nationale. L'union, l'unité, la réconciliation étaient des notions fort côtées à l'étranger, et leur simple mention apaisait en général les vélléités de sanction de la part des démocraties mal lunées qui leur avaient fait des difficultés au début. En guise d'union nationale, il avait constitué, et c'était une gageure de le faire passer, un gouvernement sans le moindre ministre ni partisan de Zelaya. Une gageure. Un succès. Il aurait donné cher pour avoir cette merde en face de lui. Reclus dans son ambassade en état de siège, agitant ses petits bras impuissants alors qu'il décidait, lui, de la destinée hondurienne depuis cinq mois et qu'il allait laissé à Lobo un pays pacifié, apaisé, le golpe oublié et les affaires en marche.
20h. Les journalistes allaient bientôt arriver pour son allocution, préparée depuis des jours. Il avait laissé un blanc là où le nom du candidat devait apparaître, Lobo, Santos, quelle importance. Il essaya d'imaginer un instant les questions des journalistes. Monsieur le Président, pouvez-vous justifier la présence de soldats dans les bureaux de vote ? Monsieur le Président, que pensez-vous des rumeurs d'abstention massive évoquées dans le pays ? Monsieur le Président, la tenue de cette élection sous le contrôle de votre gouvernement n'est-elle pas en contradiction avec les accords signés fin octobre avec monsieur Zelaya ? Monsieur le Président, quelles sont vos relations avec le Département d'Etat américain ? Foutaises. Les seuls crétins qui auraient osé lui poser ces questions étaient en résidence surveillée et leurs journaux étaient fermés. On allait lui parler d'apaisement, de retour au fonctionnement normal des institutions, de victoire du peuple et de la démocratie, on allait solliciter son interprétation des bons résultats du Parti National, et sur la défaite de son parti. Il dirait qu'il était normal que le peuple se tourne vers un parti moins divisé, et que le parti Liberal payait les incohérences du gouvernement précédent et la situation de ces derniers mois que la population avait désavoués, dans un refus unanime des réformes socialistes pilotées par le Venezuela contre la souveraineté du Honduras. Il remercierait les observateurs internationaux et les émissaires étrangers pour leur aide et leur soutien, il tendrait la main aux partisans de Zelaya en s'appuyant sur la voix du peuple qui était limpide et en souhaitant bonne chance à Monsieur Porfirio Lobo, qui aurait beaucoup de travail mais qu'il estimait beaucoup.
Le téléphone sonna à nouveau. La télé, certainement. Il décrocha. Monsieur le Président. Monsieur le Ministre, comment vont nos affaires étrangères ? Mal, je le crains, Monsieur, le Quai d'Orsay ne reconnaît pas les résultats de l'élection d'aujourd'hui. Le Quai quoi ?
Sources :
Le Monde Diplomatique
Le Figaro
Le Monde
PS : "La gauche reconnaît la victoire de Porfirio Lobo", titre le Figaro. La gauche = le parti libéral = le parti de Roberto Micheletti. Of course.
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Regarde-toi dans une glace et fais comme elle : réfléchis.