Parce que je sens qu'il s'agira d'un phénomène récurrent, et parce qu'il est dans l'air du temps de manier l'acronyme, j'introduis ici le SANTACLAF (pour Sujet Archivé Non Traité A Cause LA Flemme).
Pour le définir clairement, le SANTACLAF est un thème que je souhaiterais aborder ici, suite à une lecture/audition/sainte illumination, mais que je ne traite pas immédiatement -pour des raisons qui se résument souvent aux deux vocables "PAS" et "ENVIE"- et qui s'avère, un peu ou complètement, déconnecté de l'actualité immédiate.
Par exemple : la mort de Lady Di (c'est un exemple (même si tout le monde sait qu'il s'agit toujours d'un sujet d'une brûlante actualité)).
Afin d'illustrer de manière un peu plus limpide ce concept nébuleux, je vous soumets mon premier SANTACLAF : la taxe professionnelle. Pas encore périmé, mais plus tout à fait à la une (y a eu la main de Thierry Henry, entre temps), pile dans le tempo.
Avant d'aborder ce sujet sache, lecteur, que je me réveille dans les environs de 7h49 avec France Inter, où le vibrionnant Nicolas Demorand discute de sujets sérieux avec un invité, souvent sérieux (comprendre, un homme politique, un universitaire, et parfois un philosophe avec des pincettes). Ces débats susurrés dans mon oreille encore embrumée par les volutes nocturnes (l'image est malheureuse, mais je m'entraine aux combos de figures de style : ici, le métonymo-hadoken) me tourmentent souvent au point que je souhaite en parler ici, mais pas assez longtemps pour que le passage à l'acte soit régulier. Sache (ça fait beaucoup de choses à sacher, je te l'accorde) néanmoins que cette émission est une source inépuisable de SANTACLAF.
Bon, venons-en au fait. La taxe professionnelle est, merveilles du vocabulaire politique, une taxe acquittée par les professionnels, que nous appelerons désormais TP, pour faire cool ainsi que pour rendre hommage à Tony Parker. Au même titre que la taxe foncière (TF) et la taxe d'habitation (TH), elle est perçue par les collectivités locales, et non par l'Etat obèse que pourfend le libéral quand il a fini de compter ses poux. Grossièrement, toute entreprise disposant de locaux dans une commune, un département, une région, doit leur filer un montant proportionnel à son chiffre d'affaires et quelques autres heureux paramètres. Voilà le principe.
De son côté, l'entreprise, qui n'aime pas tellement qu'on lui pique des bouts de son chiffre d'affaires, proteste vigoureusement, et depuis longtemps, contre cet impôt inique, et pousse de toutes ses (maigres) forces pour qu'après maints allègements, dégrèvements, et autres trucs en "ments" qui veulent dire qu'elle paie moins, la taxe en question soit supprimée. Nicolas Sarkozy, dont l'oreille attentive n'est jamais loin des revendications de madame l'entreprise, a donc décidé de faire sauter cette taxe (inique, remember) au motif que bon, si l'entreprise le demande, elle doit bien avoir raison, sinon elle serait pas l'entreprise.
C'est à ce stade de l'Histoire qu'interviennent les deux interlocuteurs de Nicolas Demorand dans l'émission pré-citée, dont je n'avais pas retenu les noms ni les titres, et qui s'avèrent être Claude Bartolone (PDG de la Seine Saint Denis) et Eric Ciotti (PDG des Alpes Maritime). Je ne saurais retranscrire la totalité de leurs échanges, mais c'est l'envolée de l'un des deux (probablement Eric Ciotti, qui avait en tant que membre-géniteur nettement plus besoin de vendre la réforme que son compère) que je souhaiterais commenter. Non qu'il s'agisse d'une position iconoclaste qu'il faudrait souligner, mais plutôt parce qu'il résumait parfaitement le non-débat autour de cette décision.
L'homme expliquait donc que la taxe professionnelle allait libérer les entreprises du lourd fardeau qu'elle représentait, que ces entreprises allaient incidemment mieux se comporter financièrement, donc embaucher, donc filer indirectement des thunes aux collectivités locales qui non seulement y trouveront leur compte, mais même doublement puisqu'il ne faut pas oublier que le gouvernement s'engage à compenser la perte de revenus liée à la suppression de cette taxe par le versement de sommes équivalentes (dont l'origine, la nature, et la durée ne sont pas encore définies mais ne vous inquiétez pas, depuis quand ne fait-on plus confiance à son gouvernement ?).
Comprendre : c'est notre devoir d'aider les PME qui ploient sous le joug de l'impôt, elles iront mieux et on fera tous la teuf en se hurlant "win-win" au visage.
On a le droit de croire en sa bonne foi, même si le pari ne s'étaie pas tellement d'arguments (ça ira mieux, on vous le dit). En revanche, on peut regretter qu'un aspect du problème soit tenu sous silence sans éveiller la moindre protestation : cette taxe, elle servait à quoi, exactement ?
D'après ce qu'on sait, elle était perçue par les collectivités locales. Que prennent en charge les collectivités locales ? Les régions sont, je cite, "compétentes pour l'action et le développement économique, par exemple les infrastructures de transport et de communication, la formation professionnelle et l’entretien des lycées d’enseignement public.". Les départements, quant à eux, alignent la monnaie "pour l'action sanitaire et sociale, l'entretien de certaines voies routières, pour la protection civile et l'entretien des collèges d'enseignement public".
Par une élégante opération transitive, on peut donc en conclure que la taxe professionnelle finance les transports, la formation, et quelques autres vétilles locales.
Là, c'est mon tour de faire une hypothèse un peu risquée : je mettrais bien, sinon la main, quelques phalanges à couper que l'écrasante majorité des PME locales que l'on souhaite libérer du carcan soviétique du prélèvement obligatoire s'appuient vigoureusement sur l'aménagement du territoire et la formation locale. Que Toto le fabricant de boulons, ou Roger le développeur de logiciels de gestion logistique, sont ravis d'avoir une départementale bien entretenue pour faire rouler leurs camions, des ouvriers/employés alphabétisés et en bonne santé, et un niveau de vie suffisamment élevé pour ne pas risquer de se prendre une balle chaque fois qu'ils sortent avec bobonne dépenser leurs bénéfices au restaurant.
Voir l'impôt comme un vol, tout en considérant comme naturels et dûs les bénéfices structurels et sociaux qu'il finance, n'est-ce pas un peu paradoxal ?
Jean-Michel Apathie, qui n'est pas particulièrement de mes idoles, déclarait récemment sur le plateau du Grand Journal (Canal+), suite au débat courageusement lancé par E.Besson sur l'identité nationale, qu'un français, c'était quelqu'un qui payait ses impôts en France, au sens où il contribuait ainsi à l'effort national. Non que je souhaite étendre la définition aux entreprises, l'argent n'a pas plus de nationalité qu'il n'a d'odeur, mais n'interpréter l'intérêt d'investir/de s'implanter dans un pays qu'à l'aune de la fiscalité, c'est se foutre de la gueule du monde. Claironner que "les investisseurs vont s'en aller si on leur diminue pas leurs impôts", est une équation simpliste, trompeuse, qui revient à nier une quelconque supériorité des infrastructures françaises par rapport à celles, au hasard, de la Roumanie ou du Maroc. Et à force de la nier, et de tirer sur la corde en appauvrissant les collectivités qui entretiennent ces mêmes infrastructures, elle finira par se nier toute seule. Le chemin du développement n'est pas à sens unique.
Bref, cette faculté des "analystes" à évacuer le "rôle" de l'impôt pour n'en faire qu'un épouvantail à investissement me sidère, par sa légèreté intellectuelle, mais aussi et surtout par l'impunité dont elle bénéficie partout. Supprimer la taxe professionnelle, et faire comme si on ne supprimait pas dans la foulée ce qu'elle paie, c'est un peu comme télécharger des divx en considérant que ça ne peut pas nuire au cinéma. Pas sûr que ce soit la ligne directrice des ceux-là même qui ont signé son arrêt de mort.
Après, je peux me tromper.
Pour le définir clairement, le SANTACLAF est un thème que je souhaiterais aborder ici, suite à une lecture/audition/sainte illumination, mais que je ne traite pas immédiatement -pour des raisons qui se résument souvent aux deux vocables "PAS" et "ENVIE"- et qui s'avère, un peu ou complètement, déconnecté de l'actualité immédiate.
Par exemple : la mort de Lady Di (c'est un exemple (même si tout le monde sait qu'il s'agit toujours d'un sujet d'une brûlante actualité)).
Afin d'illustrer de manière un peu plus limpide ce concept nébuleux, je vous soumets mon premier SANTACLAF : la taxe professionnelle. Pas encore périmé, mais plus tout à fait à la une (y a eu la main de Thierry Henry, entre temps), pile dans le tempo.
Avant d'aborder ce sujet sache, lecteur, que je me réveille dans les environs de 7h49 avec France Inter, où le vibrionnant Nicolas Demorand discute de sujets sérieux avec un invité, souvent sérieux (comprendre, un homme politique, un universitaire, et parfois un philosophe avec des pincettes). Ces débats susurrés dans mon oreille encore embrumée par les volutes nocturnes (l'image est malheureuse, mais je m'entraine aux combos de figures de style : ici, le métonymo-hadoken) me tourmentent souvent au point que je souhaite en parler ici, mais pas assez longtemps pour que le passage à l'acte soit régulier. Sache (ça fait beaucoup de choses à sacher, je te l'accorde) néanmoins que cette émission est une source inépuisable de SANTACLAF.
Bon, venons-en au fait. La taxe professionnelle est, merveilles du vocabulaire politique, une taxe acquittée par les professionnels, que nous appelerons désormais TP, pour faire cool ainsi que pour rendre hommage à Tony Parker. Au même titre que la taxe foncière (TF) et la taxe d'habitation (TH), elle est perçue par les collectivités locales, et non par l'Etat obèse que pourfend le libéral quand il a fini de compter ses poux. Grossièrement, toute entreprise disposant de locaux dans une commune, un département, une région, doit leur filer un montant proportionnel à son chiffre d'affaires et quelques autres heureux paramètres. Voilà le principe.
De son côté, l'entreprise, qui n'aime pas tellement qu'on lui pique des bouts de son chiffre d'affaires, proteste vigoureusement, et depuis longtemps, contre cet impôt inique, et pousse de toutes ses (maigres) forces pour qu'après maints allègements, dégrèvements, et autres trucs en "ments" qui veulent dire qu'elle paie moins, la taxe en question soit supprimée. Nicolas Sarkozy, dont l'oreille attentive n'est jamais loin des revendications de madame l'entreprise, a donc décidé de faire sauter cette taxe (inique, remember) au motif que bon, si l'entreprise le demande, elle doit bien avoir raison, sinon elle serait pas l'entreprise.
C'est à ce stade de l'Histoire qu'interviennent les deux interlocuteurs de Nicolas Demorand dans l'émission pré-citée, dont je n'avais pas retenu les noms ni les titres, et qui s'avèrent être Claude Bartolone (PDG de la Seine Saint Denis) et Eric Ciotti (PDG des Alpes Maritime). Je ne saurais retranscrire la totalité de leurs échanges, mais c'est l'envolée de l'un des deux (probablement Eric Ciotti, qui avait en tant que membre-géniteur nettement plus besoin de vendre la réforme que son compère) que je souhaiterais commenter. Non qu'il s'agisse d'une position iconoclaste qu'il faudrait souligner, mais plutôt parce qu'il résumait parfaitement le non-débat autour de cette décision.
L'homme expliquait donc que la taxe professionnelle allait libérer les entreprises du lourd fardeau qu'elle représentait, que ces entreprises allaient incidemment mieux se comporter financièrement, donc embaucher, donc filer indirectement des thunes aux collectivités locales qui non seulement y trouveront leur compte, mais même doublement puisqu'il ne faut pas oublier que le gouvernement s'engage à compenser la perte de revenus liée à la suppression de cette taxe par le versement de sommes équivalentes (dont l'origine, la nature, et la durée ne sont pas encore définies mais ne vous inquiétez pas, depuis quand ne fait-on plus confiance à son gouvernement ?).
Comprendre : c'est notre devoir d'aider les PME qui ploient sous le joug de l'impôt, elles iront mieux et on fera tous la teuf en se hurlant "win-win" au visage.
On a le droit de croire en sa bonne foi, même si le pari ne s'étaie pas tellement d'arguments (ça ira mieux, on vous le dit). En revanche, on peut regretter qu'un aspect du problème soit tenu sous silence sans éveiller la moindre protestation : cette taxe, elle servait à quoi, exactement ?
D'après ce qu'on sait, elle était perçue par les collectivités locales. Que prennent en charge les collectivités locales ? Les régions sont, je cite, "compétentes pour l'action et le développement économique, par exemple les infrastructures de transport et de communication, la formation professionnelle et l’entretien des lycées d’enseignement public.". Les départements, quant à eux, alignent la monnaie "pour l'action sanitaire et sociale, l'entretien de certaines voies routières, pour la protection civile et l'entretien des collèges d'enseignement public".
Par une élégante opération transitive, on peut donc en conclure que la taxe professionnelle finance les transports, la formation, et quelques autres vétilles locales.
Là, c'est mon tour de faire une hypothèse un peu risquée : je mettrais bien, sinon la main, quelques phalanges à couper que l'écrasante majorité des PME locales que l'on souhaite libérer du carcan soviétique du prélèvement obligatoire s'appuient vigoureusement sur l'aménagement du territoire et la formation locale. Que Toto le fabricant de boulons, ou Roger le développeur de logiciels de gestion logistique, sont ravis d'avoir une départementale bien entretenue pour faire rouler leurs camions, des ouvriers/employés alphabétisés et en bonne santé, et un niveau de vie suffisamment élevé pour ne pas risquer de se prendre une balle chaque fois qu'ils sortent avec bobonne dépenser leurs bénéfices au restaurant.
Voir l'impôt comme un vol, tout en considérant comme naturels et dûs les bénéfices structurels et sociaux qu'il finance, n'est-ce pas un peu paradoxal ?
Jean-Michel Apathie, qui n'est pas particulièrement de mes idoles, déclarait récemment sur le plateau du Grand Journal (Canal+), suite au débat courageusement lancé par E.Besson sur l'identité nationale, qu'un français, c'était quelqu'un qui payait ses impôts en France, au sens où il contribuait ainsi à l'effort national. Non que je souhaite étendre la définition aux entreprises, l'argent n'a pas plus de nationalité qu'il n'a d'odeur, mais n'interpréter l'intérêt d'investir/de s'implanter dans un pays qu'à l'aune de la fiscalité, c'est se foutre de la gueule du monde. Claironner que "les investisseurs vont s'en aller si on leur diminue pas leurs impôts", est une équation simpliste, trompeuse, qui revient à nier une quelconque supériorité des infrastructures françaises par rapport à celles, au hasard, de la Roumanie ou du Maroc. Et à force de la nier, et de tirer sur la corde en appauvrissant les collectivités qui entretiennent ces mêmes infrastructures, elle finira par se nier toute seule. Le chemin du développement n'est pas à sens unique.
Bref, cette faculté des "analystes" à évacuer le "rôle" de l'impôt pour n'en faire qu'un épouvantail à investissement me sidère, par sa légèreté intellectuelle, mais aussi et surtout par l'impunité dont elle bénéficie partout. Supprimer la taxe professionnelle, et faire comme si on ne supprimait pas dans la foulée ce qu'elle paie, c'est un peu comme télécharger des divx en considérant que ça ne peut pas nuire au cinéma. Pas sûr que ce soit la ligne directrice des ceux-là même qui ont signé son arrêt de mort.
Après, je peux me tromper.
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Regarde-toi dans une glace et fais comme elle : réfléchis.