mardi 17 novembre 2009

[Humeur] Pour vivre...

Samedi, mais c'est une manière comme une autre de commencer ma phrase, c'eut pu être un Jeudi que ça n'eut rien changé, je rentrais chez moi, marchant d'un pas allègre le long de la rue Oberkampf, quand je croisai soudain le boulevard Richard Lenoir et deux clochards. A ce moment précis, la chanson déversée dans mes oreilles par l'Ipod qui leur sert de paupière sonore s'achevait, ce qui me permit d'entendre un tout petit bout de leur dialogue , tandis que je leur jetai un oeil aussi hâtif que gêné. C'était l'un, qui disait à l'autre : "pour vivre...". La chanson de Weezer avant, le silence après, suspendu.

Ca n'a l'air de rien, ces deux mots et ces trois petits points, mais ça m'a plongé dans un abîme de perplexité, mêlée d'un peu de honte, comme à chaque fois que j'effleure sans le vouloir et à reculons l'extrême pauvreté. Perplexité parce que renvoyé à quelque chose que je n'avais jamais ni accepté, ni rejeté, simplement rangé dans un coin poussiéreux de mon encéphale : on peut être marginal, crasseux, affamé et à la rue, et vouloir vivre. Continuer.

Pourquoi vit-on ? Je n'entends pas régler ce problème philosophique millénaire en deux lignes d'un blog à la con, mais on peut lancer quelques hypothèses en vrac : pour construire quelque chose, parce qu'on a des projets, parce qu'on a pas fini la trente-septième saison des Feux de l'Amour. Ou bien parce qu'on a peur de la mort. Ou bien parce que c'est comme ça et qu'on ne sait pas quoi faire d'autre.

Mais quand on est dans la rue ? Quand on est seul, qu'on a froid ou faim ou peur en permanence ? Je ne sais pas ce que c'est, d'être dans la rue. Peut-être après un temps d'adaptation régénère-t-on les mêmes schémas qu'une vie normale : des aspirations, des choix, des espoirs et des déceptions. Ou peut-être survit-on sans lendemain, porté par l'hébétude et l'habitude. Aucune de ces alternatives n'est réellement accessible à ceux qui ne les vivent pas, je suppose. Mais malgré cette ignorance des choses, ce "pour vivre..." est plus poignant et pathétique que je ne le voudrais.

Je n'ose pas leur parler. Ils souffrent, je vais pas les emmerder avec mes interrogations de bourgeois qui culpabilise, me dis-je pour maquiller ma lâcheté. Ma lâcheté ? Ils me font peur parce qu'ils me font honte d'être là où ils ne sont pas. Honte d'avoir envie de les aider mais de ne jamais le faire. Tout le monde, tant de monde, les ignorent pour les mêmes raisons. Tout le monde ne les entend pas parler. Personne ne les voit vivre.

"Pour vivre...", sans le regard de personne ?

Merde.

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Regarde-toi dans une glace et fais comme elle : réfléchis.