L'hiver approche. Je sais que c'est trivial, comme constat, mais on ne le dit jamais assez : allumer son chauffage, mettre un manteau, se lever quand il fait nuit, les signes ne manquent pas de l'arrivée de cette triste saison où gèlent les plantes et les sans-abri. Et comme un long corridor vers la déprime de fin d'année, la grisaille de l'automne nous conduit des joies estivales aux premiers flocons. S'il est un symbole de cette transformation lancinante qui du paisible aoutien fait un grotesque emmitouflé, c'est bien cette couleur : le gris.
Levons les yeux : du gris, à peine tâché du blanc sale des nuages. Baissons les yeux : le gris de l'asphalte, du trottoir ou du quai de métro (si tu baisses les yeux et que tu vois du sable blanc ou le turquoise d'une eau tropicale, tu es prié de lâcher internet et de retourner profiter de tes vacances de plouc au Club Med de Point-à-Pitre). Enfin, en gardant le regard à une hauteur naturelle et incontestablement plus prudente (un poteau est si vite arrivé quand on s'amuse à scruter le ciel), c'est le gris, des costumes et des visages, qui prédomine.
D'aucuns s'interrogent déjà sur la direction que prend cet article, chronique météorologique ou analyse chromatique du milieu urbain. A ces impatients je répondrai qu'il n'est pas toujours facile d'amener sur le tapis le sujet d'un post et qu'on s'accroche à ce qu'on peut pour l'introduire à ses (nombreux) lecteurs avec délicatesse. En l'occurrence, et pour lever un suspense que ne renierait pas l'inspecteur Derrick, j'aimerais m'apesantir sur ce qui préoccupe (il parait) manifestement une large majorité de nos concitoyens : le mariage gris.
Lancé par Besson Eric, ministre de son état, et grand pourfendeur de tabous idéologiques, ce problème de société connait son heure de gloire, comme le montre sa reprise par nombre de médias, et en l'occurrence par France2 et son journal de 20h dans un reportage éclairant que j'ai eu la chance de regarder hier.
Ici, lecteur, je m'inquiète : peut-être n'es-tu pas de cette foule de français qui s'intéressent aux vrais problèmes de société, et qui préfèrent faire des puzzles plutôt que de réfléchir à ce qui fonde notre belle république (et identifier, par la même, les éléments perturbateurs qui sapent sciemment ses beaux murs porteurs). Si c'est le cas, c'est bien triste, mais ça ne m'étonne guère, il n'est plus de civisme ni de conscience morale dans ce pays de dégénérés. Et ça ne m'empêchera pas de poursuivre cet article en commençant par t'expliquer un mariage gris.
Un mariage gris, c'est comme un mariage blanc, c'est à dire une union solennelle devant Dieu et le maire du coin d'un français bon teint et d'un métèque, ce dans l'unique but d'acquérir des papiers autres qu'un contrat de mariage et la liste des cadeaux du même nom, à la notable exception que le conjoint dont l'identité est nationale n'est pas au courant de la combine. Concrètement, cela veut dire qu'un de nos concitoyens épouse une étrangère (ou un étranger, mais c'est plus compliqué) en croyant son amour infini, avant de se rendre compte que sa douce conquête d'outre-frontière (et souvent d'outre-espace Shenghen) ne l'aimait pas pour son charme et son humour délicat, pas même pour ses performances sexuelles hors du commun, mais simplement pour sa carte d'identité et la perspective d'en obtenir une elle aussi.
C'est assez triste, au fond, comme histoire, et pour revenir à France2 et leur reportage, il est indéniable qu'ils ont su flairer le pathétique et le télégénique de la situation.
Imaginez : un homme marche, fier mais comme voûté sous le poids d'une indicible trahison. Il s'appelle Jacques (ou Pierre, ou René), la quarantaine banale, marié il y a deux ans à une marocaine (ou tunisienne, ou indienne, ou swahili) rencontrée sur Internet (ce qui exclut probablement la swahili de la liste des hypothèses). Ils s'aiment, elle vient en France, s'installe chez lui, ils se marient, trompettes et cotillons, félicité. Quelques mois (22) plus tard, c'est le drame : elle le quitte. Il se rend alors compte qu'il a été trompé, floué, volé de son amour par une profiteuse, et son coeur se brise en même temps qu'il s'ouvre aux caméras avides de nos chaînes publiques. Question du reporter : Mais vous l'aimez encore ? L'oeil humide et après un long silence émouvant, Jacques nous confie : Je crois que j'ignore avec qui j'ai vécu pendant ces 22 mois. Deuxième victime : Marcel, épousé puis quitté avec en prime des accusations de "violence conjuguale" alors que c'est pas vrai, il promet. Puis, l'expert : Bob, avocat spécialisé dans les divorces, d'expliquer que c'est assez difficile à prouver comme arnaque, et que donc finalement la seule solution c'est de divorcer, ce qui revient souvent à payer une pension alimentaire. Retour plateau, Pujadas enchaîne d'une voix monocorde et manifestement peu convaincue sur la liste des réactions de "l'opposition" à l'indignation du ministre pré-cité, réactions évidemment réduites à "bouh c'est vilain, bouh c'est un faux problème" pour éviter de poser le débat de manière tropintelligente complexe.
Je ne doute pas que d'autres reporters courageux se seront emparés de ce thème prometteur, et qu'il existe en France maints époux humiliés prêts à témoigner de la vilénie de ces hordes femelles (il est évident que le cas d'une épouse humiliée par un vil mâle existe aussi, mais je ne vais pas jongler avec les genre pendant douze ans), et je souhaite souligner le professionnalisme de ces journalistes qui emboîtent avec rigueur et pertinence le pas d'un ministre digne et sincère de notre belle République lorsqu'il bouscule les oppressants carcans de la pensée unique pour mettre en lumière un problème grave qui préoccupe nos contemporains. Merci messieurs, merci.
A ce stade de l'article, il me semble important de vous donner mon avis. C'est une décision certes unilatérale, mais vous m'autoriserez j'espère à estimer que sur mon blog il est légitime que j'exprime parfois mon opinion. Donc, qu'en pense-je ?
Rien.
Oui, rien. Ou du moins rien de plus que du mariage bleu, blanc, rouge, noir, vertical et parabolique. Qu'en guise de problème de société on nous a bricolé un fantasme d'époque, qui tombe à pic pour appuyer la politique anti-immigration du gouvernement et les craintes minables d'un bout de France bas-de-plafond pour qui les moeurs se délitent et que c'est important que le gouvernement intervienne pour revenir aux vraies valeurs.
D'abord, un mariage, c'est un mariage. C'est à dire l'union de deux personnes consentantes, devant une divinité quelconque, qu'elle s'appelle Allah, Notre Père ou Marianne. A ma connaissance, et à mon grand soulagement, on ne s'enquiert pas auprès des époux des raisons de leur consentement. "Claire, vous qui acceptez de prendre Bernard pour époux, sérieux, pourquoi ? Sa chevelure éclatante, sa tendresse, ses papiers ?". "Bernard, vous qui jurez amour et protection à Claire, c'est plutôt pour son père PDG, sa poitrine ma foi opulente, ou son identité nationale ?"
Au dela de l'indéniable fun que ces interrogations apporteraient à des cérémonies souvent très formelles et très communes, la mise en place d'une vérification des motivations conjugales me semble peu probable.
Ensuite, quand bien même on les vérifierait, ces motivations, en est-il de plus "justes", de plus "nobles" que d'autres ?
Que Jacques aille pécho une marocaine à son goût sur Internet, est-ce vraiment plus noble et plus juste que Djamilah qui séduit un français bon teint pour des papiers ? La détresse sentimentale ou sexuelle est-elle plus légitime que la détresse économique et sociale ? Peut-on, passées l'indignation et l'émotion d'une trahison, estimer plus pénible d'être trompé pour des papiers, ou de se taper deux ans de vie commune avec un quidam qu'on ne supporte pas pour avoir le droit de rester en France ?
Enfin, et pour revenir au fait que je ne pense "rien" du mariage gris, peut-on m'expliquer en quoi ce "problème" justifie l'intervention d'un ministre, une iniative nationale, et la collaboration enthousiaste de journalistes et commentateurs ? Pourquoi plus que celui du mariage motivé par l'intérêt financier ou la perspective d'un bout de gloire arraché à un époux célèbre ? Pourquoi plus que celui du mariage de raison parce qu'il est déraisonnable de conjuguer homosexualité et famille ?
Je mouline de la question rhétorique, la réponse est évidente : il y a des étrangers dedans. Les foules qui se massent à nos frontières comme autant d'épouvantails qui rabattent l'éléctorat de droite sale dans les filets UMP, on ne doit jamais, JAMAIS, les perdre de vue. Si s'essoufle la polémique sur les afghans expulsés, s'il n'est plus de Sangatte à démanteler ou de squatt à vider, il faut trouver d'autres drapeaux rouges à agiter devant les flippés du noir, de l'arabe ou du jaune. Et quoi de mieux qu'un cocktail moeurs/arnaque/bougnouls pour justifier les mesures d'oppression et de chasse à l'étranger.
Qu'Eric Besson ou quelques séides de la clique gouvernementale jonglent avec ces boules puantes, rien d'étonnant, la dignité républicaine de ces gens est aussi basse que leurs manoeuvres. Mais qu'une foule de commentateurs hument les effluves nauséabondes et se précipitent sur le festin comme autant de charognards sur un corps décomposé, c'est laid.
C'est laid, et à la grisaille de nos villes et du ciel automnal on peut ajouter celle, minable et dangereuse, du renoncement.
Puissions-nous épouser toutes les étrangères du monde pour noyer sous le nombre les abrutis.
Levons les yeux : du gris, à peine tâché du blanc sale des nuages. Baissons les yeux : le gris de l'asphalte, du trottoir ou du quai de métro (si tu baisses les yeux et que tu vois du sable blanc ou le turquoise d'une eau tropicale, tu es prié de lâcher internet et de retourner profiter de tes vacances de plouc au Club Med de Point-à-Pitre). Enfin, en gardant le regard à une hauteur naturelle et incontestablement plus prudente (un poteau est si vite arrivé quand on s'amuse à scruter le ciel), c'est le gris, des costumes et des visages, qui prédomine.
D'aucuns s'interrogent déjà sur la direction que prend cet article, chronique météorologique ou analyse chromatique du milieu urbain. A ces impatients je répondrai qu'il n'est pas toujours facile d'amener sur le tapis le sujet d'un post et qu'on s'accroche à ce qu'on peut pour l'introduire à ses (nombreux) lecteurs avec délicatesse. En l'occurrence, et pour lever un suspense que ne renierait pas l'inspecteur Derrick, j'aimerais m'apesantir sur ce qui préoccupe (il parait) manifestement une large majorité de nos concitoyens : le mariage gris.
Lancé par Besson Eric, ministre de son état, et grand pourfendeur de tabous idéologiques, ce problème de société connait son heure de gloire, comme le montre sa reprise par nombre de médias, et en l'occurrence par France2 et son journal de 20h dans un reportage éclairant que j'ai eu la chance de regarder hier.
Ici, lecteur, je m'inquiète : peut-être n'es-tu pas de cette foule de français qui s'intéressent aux vrais problèmes de société, et qui préfèrent faire des puzzles plutôt que de réfléchir à ce qui fonde notre belle république (et identifier, par la même, les éléments perturbateurs qui sapent sciemment ses beaux murs porteurs). Si c'est le cas, c'est bien triste, mais ça ne m'étonne guère, il n'est plus de civisme ni de conscience morale dans ce pays de dégénérés. Et ça ne m'empêchera pas de poursuivre cet article en commençant par t'expliquer un mariage gris.
Un mariage gris, c'est comme un mariage blanc, c'est à dire une union solennelle devant Dieu et le maire du coin d'un français bon teint et d'un métèque, ce dans l'unique but d'acquérir des papiers autres qu'un contrat de mariage et la liste des cadeaux du même nom, à la notable exception que le conjoint dont l'identité est nationale n'est pas au courant de la combine. Concrètement, cela veut dire qu'un de nos concitoyens épouse une étrangère (ou un étranger, mais c'est plus compliqué) en croyant son amour infini, avant de se rendre compte que sa douce conquête d'outre-frontière (et souvent d'outre-espace Shenghen) ne l'aimait pas pour son charme et son humour délicat, pas même pour ses performances sexuelles hors du commun, mais simplement pour sa carte d'identité et la perspective d'en obtenir une elle aussi.
C'est assez triste, au fond, comme histoire, et pour revenir à France2 et leur reportage, il est indéniable qu'ils ont su flairer le pathétique et le télégénique de la situation.
Imaginez : un homme marche, fier mais comme voûté sous le poids d'une indicible trahison. Il s'appelle Jacques (ou Pierre, ou René), la quarantaine banale, marié il y a deux ans à une marocaine (ou tunisienne, ou indienne, ou swahili) rencontrée sur Internet (ce qui exclut probablement la swahili de la liste des hypothèses). Ils s'aiment, elle vient en France, s'installe chez lui, ils se marient, trompettes et cotillons, félicité. Quelques mois (22) plus tard, c'est le drame : elle le quitte. Il se rend alors compte qu'il a été trompé, floué, volé de son amour par une profiteuse, et son coeur se brise en même temps qu'il s'ouvre aux caméras avides de nos chaînes publiques. Question du reporter : Mais vous l'aimez encore ? L'oeil humide et après un long silence émouvant, Jacques nous confie : Je crois que j'ignore avec qui j'ai vécu pendant ces 22 mois. Deuxième victime : Marcel, épousé puis quitté avec en prime des accusations de "violence conjuguale" alors que c'est pas vrai, il promet. Puis, l'expert : Bob, avocat spécialisé dans les divorces, d'expliquer que c'est assez difficile à prouver comme arnaque, et que donc finalement la seule solution c'est de divorcer, ce qui revient souvent à payer une pension alimentaire. Retour plateau, Pujadas enchaîne d'une voix monocorde et manifestement peu convaincue sur la liste des réactions de "l'opposition" à l'indignation du ministre pré-cité, réactions évidemment réduites à "bouh c'est vilain, bouh c'est un faux problème" pour éviter de poser le débat de manière trop
Je ne doute pas que d'autres reporters courageux se seront emparés de ce thème prometteur, et qu'il existe en France maints époux humiliés prêts à témoigner de la vilénie de ces hordes femelles (il est évident que le cas d'une épouse humiliée par un vil mâle existe aussi, mais je ne vais pas jongler avec les genre pendant douze ans), et je souhaite souligner le professionnalisme de ces journalistes qui emboîtent avec rigueur et pertinence le pas d'un ministre digne et sincère de notre belle République lorsqu'il bouscule les oppressants carcans de la pensée unique pour mettre en lumière un problème grave qui préoccupe nos contemporains. Merci messieurs, merci.
A ce stade de l'article, il me semble important de vous donner mon avis. C'est une décision certes unilatérale, mais vous m'autoriserez j'espère à estimer que sur mon blog il est légitime que j'exprime parfois mon opinion. Donc, qu'en pense-je ?
Rien.
Oui, rien. Ou du moins rien de plus que du mariage bleu, blanc, rouge, noir, vertical et parabolique. Qu'en guise de problème de société on nous a bricolé un fantasme d'époque, qui tombe à pic pour appuyer la politique anti-immigration du gouvernement et les craintes minables d'un bout de France bas-de-plafond pour qui les moeurs se délitent et que c'est important que le gouvernement intervienne pour revenir aux vraies valeurs.
D'abord, un mariage, c'est un mariage. C'est à dire l'union de deux personnes consentantes, devant une divinité quelconque, qu'elle s'appelle Allah, Notre Père ou Marianne. A ma connaissance, et à mon grand soulagement, on ne s'enquiert pas auprès des époux des raisons de leur consentement. "Claire, vous qui acceptez de prendre Bernard pour époux, sérieux, pourquoi ? Sa chevelure éclatante, sa tendresse, ses papiers ?". "Bernard, vous qui jurez amour et protection à Claire, c'est plutôt pour son père PDG, sa poitrine ma foi opulente, ou son identité nationale ?"
Au dela de l'indéniable fun que ces interrogations apporteraient à des cérémonies souvent très formelles et très communes, la mise en place d'une vérification des motivations conjugales me semble peu probable.
Ensuite, quand bien même on les vérifierait, ces motivations, en est-il de plus "justes", de plus "nobles" que d'autres ?
Que Jacques aille pécho une marocaine à son goût sur Internet, est-ce vraiment plus noble et plus juste que Djamilah qui séduit un français bon teint pour des papiers ? La détresse sentimentale ou sexuelle est-elle plus légitime que la détresse économique et sociale ? Peut-on, passées l'indignation et l'émotion d'une trahison, estimer plus pénible d'être trompé pour des papiers, ou de se taper deux ans de vie commune avec un quidam qu'on ne supporte pas pour avoir le droit de rester en France ?
Enfin, et pour revenir au fait que je ne pense "rien" du mariage gris, peut-on m'expliquer en quoi ce "problème" justifie l'intervention d'un ministre, une iniative nationale, et la collaboration enthousiaste de journalistes et commentateurs ? Pourquoi plus que celui du mariage motivé par l'intérêt financier ou la perspective d'un bout de gloire arraché à un époux célèbre ? Pourquoi plus que celui du mariage de raison parce qu'il est déraisonnable de conjuguer homosexualité et famille ?
Je mouline de la question rhétorique, la réponse est évidente : il y a des étrangers dedans. Les foules qui se massent à nos frontières comme autant d'épouvantails qui rabattent l'éléctorat de droite sale dans les filets UMP, on ne doit jamais, JAMAIS, les perdre de vue. Si s'essoufle la polémique sur les afghans expulsés, s'il n'est plus de Sangatte à démanteler ou de squatt à vider, il faut trouver d'autres drapeaux rouges à agiter devant les flippés du noir, de l'arabe ou du jaune. Et quoi de mieux qu'un cocktail moeurs/arnaque/bougnouls pour justifier les mesures d'oppression et de chasse à l'étranger.
Qu'Eric Besson ou quelques séides de la clique gouvernementale jonglent avec ces boules puantes, rien d'étonnant, la dignité républicaine de ces gens est aussi basse que leurs manoeuvres. Mais qu'une foule de commentateurs hument les effluves nauséabondes et se précipitent sur le festin comme autant de charognards sur un corps décomposé, c'est laid.
C'est laid, et à la grisaille de nos villes et du ciel automnal on peut ajouter celle, minable et dangereuse, du renoncement.
Puissions-nous épouser toutes les étrangères du monde pour noyer sous le nombre les abrutis.
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Regarde-toi dans une glace et fais comme elle : réfléchis.